Cliquez ici pour retour


Dagobert à Homblières et Eloy en Vermandois.



Le septième siècle répond absent à l'appel de la quasi totalité des livres d'histoire de classe. Tout au plus, comme exutoire à une curiosité excessive est-il donné à fredonner la chanson de Dagobert de de sa culotte à l'envers . Les paroles de la chanson sont d'une grande portée épique et résument merveilleusement la situation de la royauté en cette époque. Mais réduire un siècle à la caricature d'un règne de 7 années s'avère très injuste... tout particulièrement pour notre région. Le seul érudit qui finalement célébra ce siècle fut Mabillon, né dans les Ardennes et mort à Saint-Germain-des-Prés. Il déclara que le septième siècle avait été l'âge d'or de la France. Pour le Vermandois, ce ne fut pas un siècle de paix, mais la structure du monde faisait que les guerres n'étaient faites que par des volontaires pour des causes fondamentales et que le peuple avait droit à la paix de l'ordre naturel. On vécut donc en ce temps comme des dieux en France , sous le regard admiratif du monde et celui indiscret jalousie.
Clotaire II, en délaissant Soissons pour Paris et après avoir attaché Brunehaut par les cheveux à la queue d'un cheval fou, confia notre région à Garifrède vers 600. Il fit bien d'autres opérations de donations, dévolutions, tractations sur ces terres de Neustrie qu'il hérita de son père Clotaire et de Frédégonde d'Araucourt. En une époque où l'argent ne circulait guère, les premiers textes fourmillent de ces donations notariées dont la contrepartie monétaire où en nature figurait souvent peu dans le texte. En acquérant son fief, ce seigneur devenait l'obligé d'un contrat qui s'appuyait entièrement sur les coutumes franques. Les domaines d'alors formaient des cellules de production dans lesquelles les éléments humains et matériels étaient indissociables. Leurs gestions par les Romains avaient permis de connaître les revenus annuels en nature et en argent qu'ils secrétaient. Le roi, en désignant un seigneur, ne faisait que donner un gérant à l'entreprise ; le droit de vie et de mort, d'usus et d'abusus faisaient partie des pouvoirs de gérance mais jamais intégralement. La gérance, la tenure s'inspiraient du droit romain et étaient de nature temporaire, le plus généralement d'une durée de 12 ans. Cet usage était plein de raison. Le bénéficiaire disposait d'un temps de gérance satisfaisant pour "faire sa pelote" tout en le contraignant à rester fidèle à son maître. La gérance n'était transmissible à priori qu'à une personne et les domaines royaux gardaient ainsi le caractère de " fiscus" qui avait présidé à leur naissance. Il n' y avait pas de contre-indication à installer un proche sur une parcelle du domaine puisque la responsabilité du tenancier principal l'engageait, sa vie durant, vis à vis des tiers. Le droit se déclinait sur l'adage simple d'un roi, une foi, une loi. Ni écrite, ni discutable, la loi >n'avait qu'une apparence d'unicité, car les clercs obtiendront dès le concile d'Orléans une justice particulière .
La foi s'incarnait au sens laïque dans la personne du roi. Le roi n'était-il pas doublement élu, par le peuple qui le hissait encore sur le pavois et par l' onction de l'huile sainte?.
Le roi était fondamentalement unique et seul face à sa conscience. Cette constitution naturelle se heurtera comme toutes les entreprises aux dures réalités de la continuité et de la transmission du pouvoir.Les enfants royaux devenaient rois et ce principe inapplicable aux citoyens obligeait le morcellement du domaine royal.Le pays franc qui allait de la Loire au Rhin fut ainsi coupé en deux, en trois, réunifié une fois, deux fois, trois fois par le simple jeu des partages héréditaires et aussi par les assassinats et des " contrats " exterminateurs. La dague et les poisons formaient l'attirail des diplomates et les traités qui fleuriront en France plus tard n'engageront que les clercs. La race des seigneurs, elle , ne sera respectueuse que de sa parole et des usages de la tribu. Ceux-ci plaçait la mort au centre de la justice : l'ordalie laissait à l'aléatoire improbable la possibilité de juger à la place de dieu, le prix du sang réglait à la manière du talion les conflits entre les hommes, la" faide" autorisait de tuer pour laver son honneur. Jamais sans doute n'y eut-il autant de justice en France !
Cette forme barbare de justice ne s'appliquait qu'aux rois, heureusement ! .
Le peuple vivait loin des conflits sanguinaires des princes de sang, n'ayant pas le sang bleu. La ligne de partage entre les deux mondes se situait très haut, puisqu'elle fut constituée par les maires de palais qui s'occupaient du peuple sans pour autant se mêler des histoires de la dynastie. Leur heure viendra vite car l'internationale catholique penchera naturellement vers le petit peuple.Aussi les péripéties des Clovis II et III, Clotaire I, II, III des Chilpéric, Sigisbert etc sont de peu d'intérêt. Pour une armure, ils céderont une terre à une église ; pour un cheval, un seigneur obtiendra un domaine ; la France servira de menue monnaie en un époque où l'argent-roi sera supplanté par le roi et ses gens. Pourtant pour un monarque ambitieux, les métaux précieux peuvent être utiles.
En 613, la réunification de la Neustrie et de l'Austrasie sera refaite sous Dagobert I . Né en l'an 600, il n'accèdera à la fonction royale qu'en 632 et pour 7 années. Son histoire courte se trouve éclipsée par celle du grand Saint Eloy, patron des orfèvres et des serruriers. L'évêque de Noyon était preuve vivante de la suprématie de la Neustrie sur sa voisine et éclipsait son confrère de Reims. Surtout, il s'appuyait sur la nouvelle richesse du pays. Les fours de maréchalerie, les forgerons, les potiers et les orfèvres prolifèreront le long de l'Oise et de la Somme. Sous la protection du premier prélat du pays, ces artisans très exposés pourront enfin faire valoir leur art. Les donations citées plus haut récompenseront souvent une église qui n'était qu'un intermédiaire dans une vente d'armes. Saint Eloy pourtant veillait à ce que ce commerce se limite à réduire les prétendants au trône et laisse se multiplier les maîtres de forge, tâcherons et les plus secrets de tous : les orfèvres.
L'évêché de Noyon devint ainsi la première puissance financière du pays. Paris qui dépendait de l'évêque de Sens commençait à poindre son nez mais ne cachait pas sa jalousie pour Noyon aux mille cloches et aux nombreux monastères. Eloy connaissait bien son roi et le royaume. Les grands seigneurs manifestaient encore leur attachement ancestral à ces provinces du Nord allant jusqu'à Cologne et il fallait établir des ponts entre Neustrie et Austrasie qui se chamaillaient sans cesse. Parmi les raisons qui le poussèrent à construire la première basilique de Saint Quentin, il y en eut d'autres tout autant matérielles et stratégiques.
Le Vermandois faisait partie du domaine royal depuis Clotaire II. Dagobert Ier, empereur éphémère de l'Orient, puis Clovis II et Clotaire III voulaient sur leurs terres une manifestation de splendeur royale. Saint Eloy, spécialiste des châsses, fit exécuter des fouilles dans la première église et finit par découvrir le 3 Janvier 640 le corps du martyr. La corporation des orfèvres transforma les ossements blanchis en reliques rehaussées d'or ciselé, de pierreries fines et de velours rouge. La perfection du travail attirera de partout des admirateurs époustouflés par la beauté de l'objet autant que par la grâce divine. Saint-Quentin devint un lieu de pélerinage qu'affectionnaient nos campagnards. Ils pouvaient admirer ce métal inaltérable qui contrastait tellement avec le fer grossier des outils, s' interroger sur le sens du contenu de l'écrin et prier Dieu, qui fait les saisons, de maintenir éternellement les preuves de sa magnificence et de sa bienveillance.La prière du petit peuple naturellement confondait dans un même élan de piété le saint martyr, le saint des saisons et le saint des dorures. L'émotion troublait les êtres sincèrement car il n'était montré que la chose, aucune clause annexe d'indulgence, de pardon ou de rémission ne polluait la démarche et il n'était encore exigé aucune contrepartie en sous ou soumissions. L'investissement s'avéra si profitable que plusieurs abbés joignirent à leur nom les titres de Custodes, coutres ou trésoriers. Par là, ils désignaient à chaque pèlerin qu'ils étaient, sans contestation possible, les receveurs des dons avec ou sans reçus.
Les églises gothiques de France construites à partir du dixième siècle figurent parmi les grands chefs-d'oeuvre de l'humanité. Reims, Beauvais, Paris, Amiens, Soissons, Noyon et plus loin Chartres et Orléans, pourtant, ne restituent qu'une partie de leurs spendeurs en couleurs, ors, statues et chants.
L'imagination permet de recréer ce monde qui nécessairement dura plusieurs siècles pour parachever les plus beaux bâtiments que l'imagination des hommes et la science des tailleurs de pierres ne réalisa jamais ! .
Pareils édifices plongeaient leurs fondations dans une société durable avec des convictions solides et non pas sur du sable. Il fallut parfois un siècle pour atteindre la coupole ou le premier clocher, mais pour préparer l'oeuvre, trouver les maîtres d'oeuvre , les finances, les techniques, il en faudra trois à cinq. La foi qui déplace les montagnes ne mettra que la dernière touche à l'oeuvre des siècles...... et des humbles.
Dans ce monde en surgescence, le Vermandois assista enfin au combat des maires de palais de la Neustrie et de l'Austrasie.
Elbroin, en Neustrie, rassemblait la force, la magnificence et les meilleures opportunités commerciales de la région. A l'Est, l'Austrasie subissait une bipolarisation entre le Nord et les régions burgondes. Les pipinnides avaient l'administration des régions de la Sambre et des Ardennes . La rivalité entre ces fonctionnaires sous-estimés par des chefs querelleurs et stupides débouchera sur un règlement de compte.
Il eut lieu à Tertry en 686.
Et le Vermandois devint le centre politique du monde.
Le second seigneur du Vermandois après Garifrède fut Ingomare. Il sera une pièce maîtresse de la Bataille de Tertry en 686 .



Retour haut de page