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De Tertry à Quierzy.



Alors que l' Asie Mineure et l'Afrique du Nord bouillonnaient de la gestation du monde islamique, l' Occident vivait un siècle calme, troublé uniquement par quelques querelles de familles. Il serait hâtif d'en déduire, toutefois, que n'existaient pas des divisions internes profondes dans les domaines de la politique, des cultures, de la religion et de l'économie, mais malgré la pluralité des coutumes, pays, monnaies, usages, une conscience collective s'était bien cristalisée autour de la lignée franque et de la loi salique et autour de la religion catholique. Comment le modèle vint à impressionner dans les lointains oasis d'Arabie, peu d'historiens ont osé la recherche, pourtant l'Islam va s'inspirer et radicaliser le prototype . Les dogmes de la Sainte Trinité, l'Eglise indépendante , la discussion stérile seront purement évacués pour les rendre compatibles avec la loi salique et les règles de la chevalerie . Les bases ainsi revisitées et les armes de la cavalerie allégées, l'Islam va , à l'instar des Francs, conquérir comme une traînée de poudre, toute la partie oubliée de l'Empire romain .
A l'époque de la bataille de Tertry, l'Espagne jusqu'aux portes de la Turquie et les frontières de l'Inde est sous le contrôle des descendants du prophète . Les Mérovingiens doivent cesser d'importer le papyrus d'Egypte et se rabattre sur le parchemin. C'est sous cet éclairage, qu'il faut situer l'importance de ce choc de quelque deux mille cavaliers, tous cousins de, part et d'autre de l'Omignon. L'Italie n'existe pas, la Bourgogne est certes riche mais se satisfait de sa vassalité franque, l'Allemagne attend Saint Winfried ( St Boniface pour nous et pourtant né anglais ) qui va venir l'évangéliser après avoir sacré roi des Francs, Pépin le Bref. Seuls les Francs constituent une vraie Nation qui, de la Loire à Châlon sur Marne et jusqu'à Cologne et aux rives du Rhin, est suffisamment riche et forte pour que les aigreurs et méchancetés des familles régnantes se dissolvent devant la puissance du consensus commun.
Le ciment de la religion et des traditions franques fut consolidé par la mise en place de nombreux corps intermédiaires: l'Eglise, ses clercs de père en fils et ses "fabriques" qui préfiguent les premières associations à but non lucratif, les abbayes dont Saint Benoît a codifié les règles vis à vis du monde profane, mais aussi, les fermes, les palais qui sont nombreux et autonomes sous la gestion de maires , les agents divers du fisc, l'armée attend de naître mais se manifeste chaque année par la réunion de l'Ost, enfin les juifs qui seront vraisemblablement les colporteurs auprès des Arabes de la nouvelle d'un monde de progrès attendant un vrai messie.
A Tertry, ce ne sont pas seulement la Neustrie et l'Austrasie qui sont définitivement scellées, mais aussi le rôle des maires de palais au sein de l'histoire, car va s'affirmer la conscience nationale et historique de ces administrateurs. Mais revenons au siècle qui va être celui des maires de palais.
Sous le très jeune successeur de Dagobert, Clovis II ( 639-657) , le gouvernement de la Neustrie et de la Bourgogne revint à la mère du roi, la reine Nanthilde et au maire du palais Aega, puis à sa mort, à son successeur Erchinoald. A la mort de Nanthilde, celui ci gouverna seul pendant quinze ans. Parent de la mère de Dagobert, il marie sa fille au roi de Kent et donne à Clovis II une esclave anglo-saxonne ravissante qu'il épouse : la reine Bathilde. Celle ci deviendra à son tour régente pour son fils Clotaire III et, à la mort d'Erchinoald, favorisera une politique centralisatrice dont l'instrument sera Ebroïn, nommé, par elle, maire du palais en 658. Les évêques de Bourgogne, de Lyon, et même Sigebrand à Paris prennent des allures de grands féodaux insoumis, Ebroin les fait exécuter. Comme Sigebrand avait été nommé par Bathilde et suspecté de complot contre Ebroin, Bathilde est contrainte de se retirer à l'abbaye de Chelles qu'elle a fondée. Cette maison deviendra la plus prestigieuse pour les dames de l'aristocratie et méritera à Balthilde le titre de Sainte. Chelles ne sera pas sa seule réalisation ; Saint-Denis, Saint-Maurice d'Agaune et Corbie reçoivent d'importants domaines et privilèges et deviendront des point d'ancrages très forts pour le pouvoir royal que les Carolingiens n'auront qu'à récupérer.L'Austrasie était, elle, sous la domination de Grimoald, maire de palais de la lignée des Pépin . Il persuada le roi sans enfant d'adopter son propre fils rebaptisé du nom mérovingien de Childebert. De ce côté-là de l'Oise, furent également fondés de grands monastères, Stablo et Malmédy pour les hommes et Nivelles pour les femmes ( fondée par Sainte Gertrude). Le roi Sigebert eut finalement, contre le projet de Grimoald, un enfant : Dagobert II. A la mort du Roi en 656, Grimoald exila en Irlande Dagobert et fit roi Childebert, l'adopté. Les Neustriens ne pouvaient tolérer pareille atteinte à la lignée mérovingienne. Ils firent tuer Grimoald et nommèrent Childéric II, frère du roi de Neustrie Clotaire III.
La première tentative des pipinnides échouait. Childéric II, plus fort du soutien de ses princes que son frère Clotaire, nomma roi Thierry III, son frère, à la mort de Clotaire sans même demander l'avis des grands de Neustrie et avec le soutien de Léger, évêque d'Autun et de Warin, le Comte de Paris. Ebroin alla se réfugier à Saint Denis. Mais la Neustrie n'aimait pas ces manières et Chilpéric et sa femme tombèrent dans une embuscade en 675, dans la forêt de Brotonne, près de Rouen . Saint Ouen, évêque de cette ville, ne devait pas être innocent et Ebroin retrouva le pouvoir. Saint Léger, qui était en résidence à Fécamp, paya de sa vie son allégeance à l'Austrasie. C'était comme un retour à la case départ, après vingt années. Ebroin était à l'Ouest et Wulfoald, le pipinnide, avait réinstallé Dagobert II. Un nouveau conflit de frontière provoqua à Langres en 677 une nouvelle bataille et un nouveau pacte entre les deux pays francs. Mais en 679, l'Austrasie est à nouveau décapitée de son roi et de son maire . Ebroin exigea la soumission au seul roi survivant, Thierry III, et battit les troupes austrasiennes près de Laon.
Mais, vainqueur, Ebroin sera assassiné en 680 par Ermenfroi. C'est la revanche des pipinnides . Le nouveau Maire de Palais de Neustrie, Warathon entame un processus de paix pour éviter les pépins. Mais son fils Gislemar le destitue et reprend la lutte près de Namur. Ce fils combattif mourut opportunément et Warathon retrouva le pouvoir et organisa sa succession en faveur de son beau-fils Berchaire. Celui-ci voulut poursuivre le conflit armé, contre l'avis de la noblesse neustrienne. L'évêque de Reims, Réole, fit appel à Pépin et ce fut la bataille de Tertry . Après la victoire, c'est surtout l'arrangement qui importe: la solution consista à couvrir d'une institution commune les deux grandes entités politiques du monde franc. Le roi neustrien Thierry III gardait résidence à Paris, mais son maire de palais devait être pipinnide, Nordebert fut le premier . Pépin II continua à résider sur ses terres d' Austrasie et gérait son pouvoir au travers de Drogon, duc de Champagne et de Nordebert, maire à Paris. Il n'y avait qu'un roi mais deux gouvernements qui ne faisaient qu'une dynastie. Cette situation paradoxale dura de 687 à 751, bien assez longtemps pour que les rois fainéants mérovingiens se discréditent d'eux-mêmes et que les pipinnides assoient leur pouvoir.
Au coeur de celui ci se trouvaient les villas de la famille dans notre proche région. L'Oise était l'épine dorsale depuis toujours et les Pépins possédaient l'importante villa d' Hannappes avec les forêts d'Andigny et du Nouvion et la villa de Quierzy qui contrôlait les forêts de Compiègne, Saint Gobain et de la Beine. Cette dernière deviendra dès Tertry le centre névralgique du Royaume franc. Le roi, lui aussi, détient de riches terres chez nous, Athies déja citée, Mennessis que Chilpéric confiera à Saint Armand , l'évêque de Maastricht , Ham et beaucoup d'autres lieux.
Quierzy est à mi-chemin de Soissons et de Laon, de Paris et de Liège, sans doute de Tours et de Cologne. Les vestiges manquent totalement de cette grandeur incomparable et pourtant Quierzy comme Tertry sont bien au centre de l'Histoire européenne et méritent de figurer dans les livres de tous les enfants de la communauté. On sait que Charles Martel y est mort et que Pépin le Bref aussi. Charlemagne y serait né, bien que nombreux pensent qu' il est né dans le fief de sa mère Berthe, à côté de Laon. Derrière chaque roi, l'histoire nous revèle un Saint. Avec Pépin le Bref, ce sera Saint Boniface, l'évangélisateur de la Haute Lotharingie qui le sacrera roi mais avant cet évènement majeur, il nous faut parler du plus grand des grands, son père Charles Martel.



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