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Le Vermandois au coeur du monde.



La vision paneuropéenne des Francs saliens s'inspirait de conceptions plus fédéralistes qu'impériales de la " chose publique" et la politique passera au second plan derrière les rapports de personnes. Cette étrangeté qui vaudra de la part de ses contempteurs des qualificatifs de barbares permettra, pourtant, la construction de l'Europe sans dirigisme, sans parlement ni parlotes interminables. Des rives de la mer du Nord à l'Espagne et l'Italie, les familles régnantes deviendront toutes parentes et les jeunes héritiers prendront très jeunes l'habitude de séjourner longuement dans des cours lointaines. Un latin de cuisine servait de langue commune et l'avis de l'internationale catholique sera recherché partout où des risques de divergences seront suspectés. Le droit Canon s'imposera à tous par simple consensus. Nos régions du Nord déja infiltrées par les Romains n'avaient pas vraiment vécu dans des états de droit où la justice menait une existence légale. Lorsque en 534, Clotaire gagnera toutes les terres des Burgondes jusqu'à la Méditerranée, il pénètrera dans des états de droits anciens avec de véritables traditions judiciaires . A ces particularités, il fallut que la monarchie franque s'adapte également. Les évêques et les clercs seront partout des appuis dévoués mais le besoin se fera ressentir d'un élargissement des fonctions administratives. C'est sans doute, à cause de cela que la puissance des maires de palais va devenir grandissante.
Dans cette mosaïque de peuples, les rois vont construire l'Europe avec la technique des castors qui sont des animaux remarquables chez lesquels la femelle provoque tous les débordements de lit de rivière et où le mâle travaille avec les attributs de son sexe. Ainsi, l'histoire de France et d'Europe va se transformer en une préface à plusieurs épisodes du magazine Point de Vue, satisfaire totalement les commentaires de concierges, et rapporter mille et une scènes de ménage. Gratter quelque peu le subconscient de tous les Européens et vous verrez la profondeur de ce sentiment commun de curiosité à l'égard des princes et de passion généralisée pour les histoires d'amour des princesses et des rois.
De la mort de Clotaire, enterré à Soissons, en 561 jusqu'à la bataille de Tertry en 687, notre contrée va assister à de sanglantes rivalités féminines dont on peut s'interroger, dès le départ, sur la portée historique réelle. Brunehaut, Frédégonde comme plus tard les empoisonneuses de la cour de France et jusqu'à Marie Antoinette portent la caractéristique commune de l'excès tant dans les crimes supposés que dans la haine publique à laquelle elles auront à faire face. S'il y a peu de jugement de complaisance à l'égard des reines, la faute en vient bien évidemment à la manière de règler les conflits personnels de nos consoeurs : l'homme trouvera juste un duel inégal placé sous le signe de l'honneur alors que la femme écartera toujours le duel comme moyen et l'honneur comme mobile de ses règlements de comptes. Cette divergence de point de vue sera le facteur discriminant qui écartera la femme du statut d'être humain, pendant des millénaires et jusqu' au milieu de ce siècle, car ce n'est que depuis trente ans que la femme peut signer ses chèques, réclamer justice et travailler à son compte. Cette digression ne vise à pas à t'égarer, lecteur, dans des propos philosophiques mais bien à te faire découvrir le monde d'aujourd'hui: le Vermandois et l'Aisne sont, en effet, traversés par la chaussée Brunehaut. Comme on nomme aujourd'hui les principales autoroutes, cette route a perpétué le nom de cette reine de roman feuilleton.
Clotaire décéda en 561 laissant deux fils: Sigebert reçut la rive sud de l'Oise et son prolongement vers les Ardennes et épousa Brunehaut, fille du roi wisigoth d'Espagne, Chilpéric eut la rive nord, Noyon, Amiens, Péronne, Saint-Quentin , Cambrai, Tournai et épousa Frédégonde. Paris commençait à être une cité importante et pourtant les deux frères la considèreront comme un bien indivis sans grand intérêt et ne valant aucun séjour prolongé. Frédégonde, moins connue que Brunehaut, est le personnage intéressant de cet épisode, c'est en effet une fille de chez nous. On sait qu'elle est née à Avaucourt en Picardie, d'une naissance obscure. Attachée à la maison d'Audouaire , femme de Clotaire, elle obtint d'être marraine d'une des filles, ce qui lui permit de rester au palais lorsque la seconde,venue comme Brunehaut d'Espagne, chassa la première. Frédégonde comprit vite sa haine viscérale contre les brunes du sud et fit assassiner Galsuinte. Le roi épousa alors cette fille sans titre mais qu'il devait connaître depuis ses tendres années et , en cadeau de mariage, fit jeter Audouaire dans un de ces fleuves chauds et limpides de la région où les corps sont rarement retrouvés.Avec un tel palmarès, Frédégonde devint l'âme damnée de son mari puîné et une assistante dévouée.
Brunehaut séjournait le plus souvent du côté de Cologne mais ne se refusait pas des séjours à Reims et Laon. Frédégonde pensait que les habitants de nos régions avaient les meilleurs chevaux, les épées les plus tranchantes et qu'il suffisait de compléter l'armement par quelques poisons violents pour obtenir la réunification des terres franques. Par cinq fois, Chilpéric pénétrera dans les propriétés de Sigebert. Celui ci ne disposait sans doute pas d'une "ost" aussi vaillante que son frère mais l'Austrasie comptait des grands plus riches en arrière-ban et une amitié forte avec la Burgondie, voire jusqu'avec les Lombards. En 575, Chilpéric fut, pour la première fois, repoussé dans Tournai que les Austrasiens assiégeaient. Frédégonde, de rage, fit assassiner Sigebert avec des armes empoisonnées. Chilpéric triomphait mais "bien mal acquis....".
Brunehaut n'eut de salut que dans la fuite chez les Burgondes avec son fils .
Notre reine Frédégonde resta à côté de Chilpéric jusqu'à la mort de celui ci en 584 ( certaines mauvaises langues disent qu'il fut assassiné par Frédégonde qui aurait craint une répudiation à la suite d'une liaison avec un maire de palais du nom de Landri, oh ! que de suppositions infondées ! ). La confrontation avec Brunehaut allait commencer. Sans vouloir faire de parallèle entre les deux femmes, il faut noter que Frédégonde mourut en paix en 595 et fut enterrée avec son mari à l'église Saint Germain des Prés .
Brunehaut, ayant sauvé son fils, se débarrassa d'un prétendant au trône, fils de Clotaire, et non encore majeur afin d'assurer la régence. Elle fit assassiner Wintrion, duc de Champagne et maints autres grands et se rendit si odieuse qu'elle fut chassée, nue de son royaume. Ce n'est pas sur la chaussée Brunehaut qu'elle fut retrouvée et il est peu probable qu'elle soit passée à cette occasion dans le secteur. Elle continua pourtant ses méfaits, après avoir séduit Thierri, son propre petit-fils, qui l'avait recueillie dans le dénuement. On sait que finalement, elle fut condamnée à être tirée par un cheval indompté, attachée par les cheveux jusqu'à ce que mort s'ensuive. La chronique ne dit pas la non plus où le spectacle fut donné. La chaussée Brunehaut n'est qu'un indice improbable d'un fait véridique dont notre région fut l'origine et le support. Brunehaut eut droit cependant une sépulture chrétienne à l'abbaye de Saint Martin d'Autun, mystère supplémentaire !
Cette fin peu glorieuse eut lieu en 614 ou 615. C'était un épisode d'une rubrique des haines ordinaires sur un fond politique : le conflit entre la Neustrie et l'Austrasie. Les rôles de la Burgondie et de la Bavière formaient un arrière-plan qui marqueront l'histoire pendant des siècles. Quelque chose avait imprimé le subconscient des différents peuples et un sentiment de ressemblance unissait des communautés soeurs mais pouvant se détester jusqu'au crime passionnel.L'époque glorieuse de la Neustrie dont le Vermandois était proche du coeur correspond sensiblement au triomphe de Clotaire aidé de Frédégonde jusqu' au régne de Dagobert puis , avec moins d'intensité, jusqu'à la bataille de Tertry, soit de 561 à 687. Les rois et les maires de palais n'apportaient pourtant rien. Ils percevaient, buvaient, guerroyaient au lointain pour des caprices d'enfants gâtés et n'avaient cure du reste. Tout au plus, peut-on penser, respectaient-ils l'Eglise et les artisans qui leur fournissaient bonnes armes pour ferrailler, bons grains pour manger et bons chevaux pour cavaler. Ainsi va la prospérité qu'elle bénéficie de l'oubli des grands et du respect des nantis mais ne laisse que des traces éparses et fluettes dans l'histoire. Cette période fut, en effet, pour nos régions une nouvelle avancée dans le christianisme. La paix en Neustrie, la gloire de son roi et sa foi proclamée va amener chez nous les enfants de Saint Patrick, l'Irlandais. Le mouvement des prêtres et moines irlandais concrétisait des relations de voisinage et une identité de vue et de vie. Aussi furent-ils nombreux ces prêtres irlandais d'un nouveau style qui vont durablement pénétrer le pays. Le plus éminent fut certainement Saint Colomban qui rédigea la règle de cette communauté missionnaire. Les contes celtes n'étaient pas rejetés, une assimilation intelligente des récits populaires autorisait une évangélisation plus adaptée, surtout le travail des champs s'intégrait dans la mission de l'homme sur terre. Colomban passa chez nous avant d'aller vers Luxueil, Saint Gall et l'Italie . Beaucoup de ses compatriotes s'arrêteront, défricheront, prêcheront, baptiseront et bâtiront des églises.Leurs missions étant identiques ; les vies de chacun seront souvent semblables et la canonisation couronnera leur mérite.
Ces saints irlandais ont été nombreux :

Saint Fursy qui décèdera dans le Ponthieu. Evêque vénéré, ses reliques seront mises en lieu sûr, assez loin de la côte pour échapper aux raids des Normands. Il deviendra ainsi le Saint de Péronne. Ce ne fut que justice qu'un saint d'outre-mer soit honoré en cette ville dont l' étymologie vient de Parona Scottorum.Saint Gobain, moins mitré, vivra dans l'humilité auprès d'une petite communauté perdue dans le massif forestier immense des Sires de Coucy et osera l'impossible : convertir les hommes des bois. Il fut martyrisé par les barbares et par la presse officielle. Son nom demeurera inscrit, par miracle, au lieu de son souvenir et ce n'est que mille années après que Colbert en créant dans cette clairière une grande manufacture lui rendra sa notoriété.Saint Boétian( 668 ), noble irlandais connut un sort identique sans la célébrité. Sa vie austère et son langage d'exigence irriteront les barbares de Pierrepont près de Laon. Sa châsse conservant sa tête est toujours exposée malgré les siècles de profond obscurantisme qui séparent notre ère de son temps.Saint Etton dont la statue figure à Flavy le Martel et qui dut prêcher vers Cambrai, Saint Kilian qui évangélisa Aubigny.
Partout se créent des " Xénodochia ", maisons d'accueil pour voyageurs chrétiens. Mais celles ci ne sont que des commodités rustiques, souvent de simples huttes, pour des missionnaires qui ne fréquentent plus l'élite et qui veulent porter la parole et la bonne nouvelle aux gens simples. Ils mèneront un travail d'obscurs avec pour seule ressource l'exemple. En haut, mieux financés, d'autres saints obtiendront des résultats plus probants :
Saint Géry , patron de plusieurs paroisses du Nord du Vermandois et évêque de Cambrai, et de haute naissance franque fondera Bruxelles,
Sainte Aldégonde, patronne de Maubeuge.
La christianisation de la Neustrie était presque achevée et Saint Colomban trouva surtout en Austrasie des terres à évangéliser. Il sera plusieurs fois confronté à Brunehaut et sera finalement bien soutenu par elle ( ce qui peut expliquer sa sépullture chrétienne). Après avoir séjourné sur le plateau proche de Besançon, il fonda l'abbaye de Luxeuil, puis celle de Saint Gall en Suisse ( Gall était avec lui) et finalement celle de Bobbio en Italie d'où il entama la conversion des rois lombards, toujours ariens et rebelles au dogme trinitaire.
Si Boniface fut l'apôtre de l'Allemagne, Rémi et Médard furent ceux des Francs, Colomban mérite le titre d'apôtre de la Lotharingie. Cette désignation se constate encore aujourd'hui dans les chrétientés de Lorraine, Franche-Comté, Suisse, Bourgogne. La foi y est l'apanage des gens simples et leur fierté. L'Irlandais Colomban ne devait pas dire grand chose d'autre. La providence lui avait offert des auditeurs attentifs qui, avec les chevaliers croyants de la France Neustrienne, se ligueront à temps pour barrer la route aux chevaux légers de l'Islam qu'un certain Mohammed commençait à professer en Arabie dans ces années 600.Le monde semblait occupé par les péripéties de conflits de harpies haineuses alors qu'il s'agissait plus que jamais de savoir si Dieu appartenait aux grands, aux faibles ou aux soumis ? .




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