Contexte
La fin des États pontificaux
En 1870, le général Cardona envahit les États pontificaux avec un corps
d'armée de 50.000 hommes. Le 20 septembre, Rome capitule. Rome devient la
capitale du nouvel État italien de Victor-Emmanuel II, roi du
Piémont. Le Pape de l'époque, Pie IX, est contraint de se réfugier au
Vatican et se considère comme prisonnier.
La « loi des garanties »
En 1871, le Parlement italien vote une « loi des garanties »
pour garantir les prérogatives du Pape, établir le statut du Vatican et
régler les relations entre celui-ci et l'État italien. La loi offre au
Pape un territoire en pleine propriété, constitué des sanctuaires, de
palais et des couvents, mais à titre résidentiel. Sont également offertes
une zone franche à Ostie, et la somme de deux milliards de livres à titre
de dédommagements (cette somme sera placée par l'État italien et reversée
par Mussolini à Pie XI en 1929, avec des intérêts considérables).
Pie IX rejette cette loi, et ses successeurs font de même.
Malgré cette intransigeance, les relations officieuses s'intensifient
pendant la 1e Guerre mondiale entre l'Église et les cléricaux d'un côté,
et le gouvernement italien et les libéraux modérés de l'autres. Ainsi, en
1919, Mgr Cerretti, envoyé du Vatican, rencontre Vittorio Emmanuele
Orlando, président du Conseil. La même année, les catholiques réintègrent
la vie politique avec la fondation du Parti populaire par don Luigi
Sturzo, prêtre sicilien.
Lors de l'arrivée du fascisme, l'Église parie sur les composantes
conservatrices du fascisme et non sur les ouvriers pour retrouver sa
domination. Ceci se traduit par la réforme des lois ecclésiastiques de
1923–1925, favorable à l'Église, et par l'élimination des syndicats
catholiques. Mais c'est le discours de Mussolini le 3 janvier 1925 qui
marque la restauration de bons rapports entre le Vatican et le
gouvernement italien.
Les accords du Latran
Les négociations qui aboutiront aux accords du Latran commencent en
1926. Elles aboutissent à la signature par le cardinal Gasparri
(secrétaire d'État) et par Mussolini de protocoles au palais du Latran, le
11 janvier 1929. Pie XI voit dans ces accords la restauration de
l'Italie à Dieu, et de Dieu à l'Italie.
Les accords comprennent trois conventions distinctes :
- un traité politique qui règle la « question romaine »
- une convention financière qui dédommage le Saint-Siège
- un concordat qui statue sur la position de l'Église en Italie
Le traité politique
Le Pape accepte l'État de la Cité du Vatican, dont l'État italien
reconnaît la pleine propriété et l'autorité souveraine au Saint-Siège.
Toute forme d'ingérence italienne est abandonnée. En compensation, le
Saint-Siège renonce à toute prétention sur les anciens États pontificaux.
Il reconnaît le Royaume d'Italie sous la maison de Savoie, et Rome comme
capitale de l'État italien. Cependant, l'Italie reconnaît en Rome une
« città sacra ». Concrètement, cela signifie que
l'Italie prend le Vatican sous sa protection. Ainsi, en cas d'incident
place Saint-Pierre, c'est la police italienne qui intervient.
On reconnaît au nouvel État des services publics : le Vatican aura
une gare, des services postaux, une monnaie (la livre vaticane), une
presse, une radio et une télévision avec le droit d'émettre... Le Vatican
devient l'instrument du Saint-Siège, personne de droit international,
défini comme l'ensemble des institutions supérieures catholiques. Le
préambule du pacte dispose ainsi :
Étant donné que, pour assurer au Saint-Siège l'indépendance absolue
et visible, il faut lui garantir une souveraineté indiscutable, même
dans le domaine international, on s'est rendu compte qu'il était
nécessaire de constituer, avec des modalités particulières, la Cité du
Vatican, reconnaissant au Saint-Siège, sur cette même Cité, la pleine
propriété, la puissance exclusive et absolue et la juridiction
souveraine.
Le Pape est reconnu comme le chef temporel du Vatican, avec tous les
pouvoirs, législatif, exécutif et judiciaire (le gouvernement effectif du
Vatican étant pourtant délégué à un Gouverneur général) en cas de vacance,
le pouvoir passe au Sacré Collège des cardinaux.
Le nouveau territoire pontifical est formé de 44ha (ce qui fait du
Vatican l'État le plus petit du monde) : pour l'essentiel, il s'agit
de la place Saint-Pierre, la basilique, le palais et les jardins.
L'ensemble est entouré de murs, avec 5 points d'accès. Seule la place
S. Pierre et la basilique sont librement accessible. Mussolini avait
proposé d'inclure d'autres bâtiments dans le nouvel État, mais Pie XI
avait refusé, affirmant :
Il sera clair pour tous, nous l'espérons, que le Souverain Pontife
n'a vraiment que cette portion de territoire matériel indispensable pour
l'exercice d'un pouvoir spirituel confié à des hommes pour le bénéfice
des hommes.
La convention financière
Après la perte des États pontificaux, le Saint-Siège se trouvait dans
une situation financière difficile. En 1871, la « loi des
Garanties » offrait la somme de 2 milliards de lires à titre de
compensation pour la perte des États et des biens ecclésiastiques. Les
Garanties ont été refusées par tous les papes de 1871 au Latran. À
l'occasion des accords, Mussolini cette même somme augmentée de ses
intérêts, portant le montant total à 4 milliards de lires.
Cette somme n'est pas versée directement au Vatican. Le Saint-Siège
reçoit en fait 750 millions de lire en argent comptant et des titres à 5%
d'une valeur nominale d'un milliard de lires, confiés par Pie XI à
l'Administration spéciale des biens du Saint-Siège.
Le concordat
Le concordat fait du catholicisme la religion officielle de l'État
italien. Les mariages catholiques et les jugements de l'Église en matière
matrimoniale prennent effet civil. Les juridictions ecclésiastiques sont
reconnues en matière spirituelle et disciplinaire (un prêtre apostat
pouvant ainsi se voir refuser un emploi public). L'enseignement religieux
catholique devient obligatoire à tous les niveaux scolaires.
De son côté, l'État italien se voit reconnaître un droit de nomination
des évêques, lesquels doivent jurer fidélité au roi. Toute activité
politique est interdite à l'Action catholique. Les religieux et les
prêtres se voient interdire de militer dans un parti. Le but de Mussolini
est d'empêcher la recréation d'un parti catholique.
Mussolini ajoutera au concordat des dispositions unilatérales réglant
le sort des autres confessions, qui sont désormais reconnues. Un fossé
juridique s'installe alors entre le catholicisme et les autres religions.
Ces mesures seront complétées en 1938 par les « mesures pour la
défense de la race italienne » et d'autres visant à opprimer les
Juifs.
Après les accords
L'entente cordiale
Le but de Mussolini avec ces accords est de fasciser l'Église. Celui de
l'Église est de restaurer un État catholique. Tous deux échouent, mais les
relations restent bonnes entre l'Église et le gouvernement fasciste
jusqu'en 1945. Ainsi, en 1931, l'Église concède de nouvelles garanties
concernant l'Action catholique, dont on réaffirme le caractère religieux
et diocésain.
La seule crise d'envergure concerne encore une fois les organisations
catholiques laïques, perçues par le gouvernement fasciste comme une
menace. Mussolini, répugnant à attaquer l'Église de face, comme le fait
Hitler au même moment, préfère des actions d'intimidation des militants
catholiques. En janvier 1938, Pie XI menace en représailles
d'excommunier le fascisme et le gouvernement mussolinien. Finalement, en
1939, Mussolini obtient une réforme des statuts de l'Action
catholique.
Après la seconde guerre mondiale
On aurait pu craindre la fin des accords du Latran avec l'effondrement
du gouvernement fasciste. Paradoxalement, les accords sont renforcés par
la nouvelle constitution italienne, avec le fameux article 7 qui affirme
l'indépendance et la souveraineté de l'État et de l'Église, « chacun
dans son ordre propre ». Il inscrit également dans la constitution
les accords du Latran comme réglant la question romaine, et précise que
les modifications qui seraient apportées aux accords ne nécessitent pas
une révision constitutionnelle.