Jeanne Harvilliers Naissance 1528 Verberie Décès 30 avril 1578 Descendants Rosalie Famille Sa mère morte sur le bûcher à Senlis en 1548. Jeanne Harvilliers, dite la sorcière de Ribemont ou la sorcière de Verberie, née à Verberie, en 1528 et morte sur le bûcher à Ribemont, le 30 avril 1578, est une femme qui fut accusée de maléfices et de commerce avec le diable et condamnée à mort pour sorcellerie. A la suite du jugement et de la condamnation rendue dans cette affaire, Jean Bodin écrit De la démonomanie des sorciers qui deviendra un ouvrage de référence en matière de répression de la sorcellerie, Jeanne Harvilliers nait dans l'Oise, à Verberie, non loin de Compiègne en 1528. Née d'une « mère consommée dans l'art des maléfices et la prostitution ». On la dit vouée au diable dès la naissance. A 12 ans, sa mère lui présente un "Homme en noir", vêtu comme un cavalier, avec bottes, éperons et épée au côté. Ce dernier lui promet si elle se voue à lui corps et âme, de satisfaire ses désirs. Elle y consent. L'homme en noir lui rend fréquemment visite et en échange de ses faveurs, il lui enseigne les pratiques de la magie blanche et de la magie noire. Ce commerce illicite durera 38 ans. En 1548, Jeanne a alors 20 ans, elle est arrêtée avec sa mère qui sera jugée et condamnée au bûcher sur la place du Vieux Marché à Senlis. Jeanne, en raison de ses aveux, ne subira que le châtiment du fouet tandis que sa mère est brûlée vive. Elle part s'installer dans le Laonnois où elle se marie, non sans avoir obtenu le consentement de l'homme en noir qui s'était assuré que leur relation perdurerait au-delà de ce mariage. Jeanne ne tarde pas à mettre au monde une fille, Rosalie. Démonomanie des sorciers Jean Bodin, 1580. En 1578, André Brulart, un voisin ayant violenté sa fille, elle voulut utiliser ses maléfices pour le faire mourir en répandant un maléfice sur son chemin. Un brave cultivateur, François Preudhomme, passant par là, tombe subitement gravement malade. Jeanne se précipite à son chevet lui explique la méprise, lui demande pardon et tente de le soigner. L'homme en noir lui expliqua que le mal était sans remède, elle le congédia et lui demanda de ne plus se présenter chez elle. Après deux jours d'atroces souffrances, le cultivateur meurt. Jeanne part alors se cacher dans une grange où elle ne tarde pas à être arrêtée. Elle est écrouée dans la tour de Chin, au château de Ribemont. Jean Bodin, juge au présidial de Laon est saisi de l'affaire, il fait de l'accusée le portrait suivant: « On voyait encore les traces de son ancienne beauté. Teint sombre. De grands yeux brillants d'un feu dont on avait peine à supporter la vivacité et l'éclat, un profil aquilin, une véritable finesse de traits, des dents dont l'émail rivalisait avec la perle et des cheveux autrefois noirs comme la plume du corbeau, maintenant grisonnants, longs et ondoyants autour de ses tempes, formaient une singulière beauté, qui, avec l'étrangeté de sa mise, tranchait sur les autres habitants du baillage. » On tergiverse un temps pour savoir s'il s'agit d'un crime d'empoisonnement méritant la corde ou s'il s'agit d'un délit de sorcellerie méritant lui, le bûcher. La foule se presse autour du tribunal, menaçant d'enlever la prévenue pour la brûler vive si elle devait ne pas être condamnée pour sorcellerie. Son procès est rapidement instruit, on entend des témoins qui ont eu recours à ses remèdes, on colporte des histoires de bétail malade, d'aiguillettes nouées. Jeanne n'avoue rien et clame son innocence. Jean Bodin décide alors de la soumettre à la question ordinaire et extraordinaire: la torture. A la vue des instruments du bourreau, Jeanne avoue. Elle a commercé avec le diable, elle se rendait au sabbat et fait usage de maléfices. Le lendemain, après une ultime rétractation et à nouveau dans la perspective d'être torturée, elle avoue ses crimes. Jean Bodin prononce la sentence. Jeanne Harvilliers est condamnée à être brûlée vive sur le bûcher jusqu'à ce que mort s'ensuive. La sentence est lue publiquement à Ribemont, le 27 avril 1578. Le 30 avril 1578, un tombereau traverse la place de Ribemont, une foule immense s'est réunie autour du bûcher. Jeanne Harvilliers apparaît nue-tête et nus-pieds. Le bourreau Jean Herem lui a fait revêtir une robe soufrée. La sentence est à nouveau relue et mise à exécution. Charles Gomart relate que Jean Bodin, son juge et biographe, rapporte ses utlimes paroles: « Adieu, que le ciel vous pardonne. Pendant ma vie j'étais une Egyptienne, une fille, une vagabonde ; j'ai été bannie, frappée de verges, marquée d'un fer chaud ; j'ai mendié mon pain de porte, en porte ; j'ai été chassée de village en village comme un chien. Qui, alors, aurait ajouté foi en mes paroles ? Mais aujourd'hui, attachée au bûcher, prête à mourir, mes paroles ne tomberont pas à terre. Ajoutez foi à ce cri de vérité : Je suis innocente des crimes qu'on m'impute, je n'ai rien fait pour mériter le traitement qu'on me fait subir. » L'homme en noir ne fut jamais inquiété et nul ne sut ce qu'il advint de son mari et de sa fille Rosalie. Littérature et adaptations Françoise Mallet-Joris publie Jeanne ou la révolte dans les Trois âges de la nuit chez Grasset en 1968 où elle dépeint la vie de trois "sorcières" dont Jeanne Harvilliers. A la télévision, Judith Magre incarne Jeanne Harvilliers dans Jeanne ou la Révolte de Luc Godevais, en 1974 (IMDB [archive]). |
Jeanne Harvilliers est brûlée vive en 1578 à Ribemont dans l’Aisne pour sorcellerie. L'affaire, portée par le théoricien français Jean Bodin, s'inscrit dans une époque où se multiplient les procès du genre pour étouffer une révolution populaire, essentiellement portée par les femmes.
Le
bûcher d'une femme exécutée pour sorcellerie,
gravure du XVIe siècle • © Domaine public
Un
bouc émissaire parmi tant d’autres. C’est le
destin tragique qu’offrit la vie à Jeanne Harvillier
jugée pour sorcellerie et exécutée à
Ribemont dans l’Aisne en 1578. Si, dans l’imagination
populaire, la déferlante de procès en sorcellerie,
accompagnés de leurs lots de torture et de morts au bûcher,
est associée au Moyen Âge, la majorité d’entre
eux se sont déroulés au cours de l’Époque
moderne, poussés par des penseurs reconnus.
Louise-Marie
Libert, spécialisée dans l'histoire de l'art et des
religions.
La
mort de celle que l'on surnomme la sorcière de Laon, poussée
par le philosophe et théoricien politique français,
Jean Bodin, père du concept de souveraineté, en est un
exemple. Un destin parmi tant d’autres, brisé par des
accusations mystiques, motivées par un besoin d’étouffer
une révolte dans une société à la
misogynie exacerbée. "Selon
les estimations des historiens d’aujourd’hui, [les procès
en sorcellerie] auraient concerné pour 80 % des femmes",
précise Armelle Lebras-Chopard, politologue, spécialiste
de philosophie politique et des questions d'égalité
femmes-hommes.
À
en croire les écrits de Jean Bodin, qui a relaté
l’affaire Jeanne Harvillier dans la préface de
sa Démonomanie
des sorciers,
la vie de la native de Verberie prend un tournant fatal au début
de l’année 1578.
Écrire
dans l’Aisne, Fédération des sociétés
d’Histoire et d’Archéologie de l’Aisne
L’hostilité
déjà présente envers cette étrangère
venue s’installer à Ribemont avec son époux et sa
fille s’accentue. Afin de la juger dans les formes et d’éviter
de nouvelles polémiques, le juge de Ribemont fait appel à
l’expertise de Jean Bodin. Ce dernier jouit d’une grande
réputation grâce à ses travaux sur la République.
Il se passionne également pour la démonologie. Assuré
d’être porté d’une vocation prophétique
et lecteur attentif de l’Ancien Testament, Bodin soutient que
c’est au prophète qu’il revient de protéger
la communauté de toute forme de sorcellerie.
Jeanne
a beau clamer son innocence, les témoins qui ont eu recours à
ses remèdes se pressent au tribunal. Son passé joue
contre elle. Bodin découvre que sa mère a été
brûlée vive pour sorcellerie vers 1548 tandis que Jeanne
a été fouettée pour la même raison. Pour
Bodin, qui estime que la sorcellerie se transmet de mère en
fille, il s’agit là d’une preuve ultime. Mais elle
n’est pas suffisante pour convaincre le Parlement de Paris.
Selon certaines sources, Jeanne finit par abdiquer à la vue
d’instruments de torture.
Elle
admet que les poudres lui ont été fournies par le
diable, raconte qu'elle souhaitait se venger d’un homme ayant
violenté sa fille, mais que rien ne devait arriver à
l'innoncent cultivateur touché. Elle déclare également
avoir des contacts fréquents avec le diable depuis que sa mère
lui aurait présenté, alors qu’elle n’avait
que 12 ans, "un
grand homme en noir".
Pour
Bodin, il ne s’agit pas d’un simple reniement de foi mais
d’un véritable mariage, avec échange de
promesses. Jeanne Harvillier n’est pas seulement une
jeteuse de sorts, accusée de la mort d’un homme. Elle a
été donnée à Satan. D’autres posent
l’hypothèse que la jeune fille aurait été
violée et serait toujours hantée par son trauma.
Toujours est-il qu’elle est brûlée vive à
Ribemont le 29 ou le 30 avril 1578.
Extrait
de Mémoires, Tome LXII, Écrire dans l'Aisne, par la
Fédération des sociétés d'histoire et
d'archéologie de l'Aisne • © Fédération
des Sociétés d'Histoire et d'Archéologie de
l'Aisne
Si
plusieurs penseurs ont, après coup, remis en question la
dureté d’une telle décision, estimant que
Jeanne donnée au diable par sa mère n’était
après tout pas entièrement responsable, de telles
décisions relevaient alors de la norme. Elles s’inscrivaient
dans un climat global où régnait une psychose de masse
alimentée par des penseurs, des artistes, des philosophes, les
autorités religieuses et des économistes reconnus.
Eric
Thierry, historien et docteur de l’université Paris
Sorbonne
À
la fin du Moyen Âge et au début de l’Époque
moderne, la société subit de nombreuses mutations
sociales et économiques. Les procès en sorcellerie, qui
s’enracinent dans le XIIIe siècle, visent alors autant
de sorciers que de sorcières. Règlements de compte
politiques, moyen de contenir les foules, ils tiennent une importance
primordiale pour mater le
mouvement des enclosures.
Silvia
Federici, historienne |