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LES CELTES .

Des millénaires s'étaient écoulés qui n'avaient effleuré le paysage que d'un souffle. L'homme debout d'Abbeville qui, du haut de son 1 m 05, bravait les derniers monstres de la préhistoire avait été suivi par l'homme de Neandertal, 1m 30, des talents d'artistes et une toison de bête fauve, puis enfin par l'homo sapiens, encore plus grand, presque imberbe et qui priait !


Le Vermandois était, à l'orée de l'an mil avant JC, dans son état originel, quasiment.. puisque la période antérieure aux glaciations et à la disparition des dinosaures se situait dans des temps immémoriaux. Le premier aperçu visuel du pays fait ressortir les cours d'eau qui sillonnaient au travers des terres, comme maintenant, dessinant une hélice à quatre pales incurvées dans le sens des aiguilles d'une montre. La Somme et l'Omignon partant à l' ouest, l'Escaut cherchant le plat pays du nord, l'Oise enroulant du nord-est au sud-ouest donnaient l'impression d'un début de rotation d'un fluide en expansion. En considérant ces sinuosités de l'extérieur de l'épure, les caractères de convergence et de concentration s'imposent à l'oeil.

Ici se croisent nécessairement les habitants du bord de la Seine et de la Loire, ceux de la Somme et ceux qui descendent de la Sambre et de l'Escaut.


Zone de Texte:  Or les fleuves ont été les fils conducteurs des humanoïdes en marche. L'eau est plus importante que la nourriture pour le corps humain. Dans les hivers glacés, les fleuves assurent toujours un peu de nourriture à ceux qui laissent filer un hameçon en os avec un peu d'appât dans le courant. C'est aussi une barrière naturelle pour le feu lorsque souvent volontairement la forêt flambe. Les animaux domestiques de nos régions eux aussi boivent beaucoup. Ce rappel de bon sens situe la raison de l'arrivée des hommes chez nous et la signification que pouvait avoir le fait de passer d'un fleuve à l'autre en franchissant des distances de l'ordre de 10 km qui séparaient les bassins. Toute notre histoire est inscrite dans cette géographie particulière qui fait que, de chez nous sans quitter les fleuves nourriciers, on peut aller, à pied sec , de Rouen à Rotterdam, des côtes anglaises jusqu'à Dijon et même à Rome. Car si la vie ne se conçoit qu'au bord de l'eau courante, l' homme craint l'eau par une peur atavique, autant que le cheval qu'une flaque effraie. Le souvenir des hippopotames qu'avaient vus les Abbevilliens devait continuer à être évoqué lors des veillées ! Voilà pourquoi les bandes de terres qui joignent l'Omignon à l'Escaut , l' Oise et la Sambre , la Somme et l'Oise ont joué une place si importante dans l'histoire de notre Occident, des origines jusqu'à la dernière guerre, où les ponts sautaient allègrement pour rendre au paysage sa vérité séculaire. Ce cadre géographique, les habitants peuvent le contourner en une journée de cheval, ou trois heures de voiture .

De Péronne à Roisel puis vers Vendhuille sur l' Escaut, de Bohain à la Sambre et en redescendant par l' Oise vers Moy, Tergnier et en retrouvant la Somme jusqu'à Ham , rapidement vous aurez, sans mouiller vos pieds, pu poser au fil de l'eau des messages pour les côtes d'Europe de la Bretagne jusqu'au Danemark et confié à des porteurs capables de remonter les courants des mots pour vos relations de Langres , Paris,Troyes, Reims, Metz, Ulm, Strasbourg, Bâle, Hanovre....
Cette possibilité, par faute de perspectives de l'homme terrien, ne sera jamais totalement perçue, mais les fleuves , joueront, à l'insu de nos ancêtres, le rôle de guide et tout ce qui compte d'envahisseurs montés ou non fondront sur les quelques arpents de notre région, laissant heureuses ou tristes traces.
Vers l'an mil avant l'ère chrétienne, venant vraisemblablement du Kazakhstan et appartenant à des races détachées du creuset des Indes arriva le long de l'axe Hanovre -Liège, en ayant très vraisemblablement cheminé aussi jusqu'au nord de l'Italie, une tribu velue ou la femme connaissait le fourneau et excellait à faire de beaux enfants à l'âme simple. La musique avait une place magique et la flûte et la harpe accompagnaient la transhumance. Les croyances s'étaient enrichies au long d'une pérégrination lente lors des confrontations avec les civilisations d'alors. Les dieux étaient multiples mais à l'instar des divinités indoues, derrière des apparences, c'était souvent la même force qui était reconnue. La cosmogonie servait surtout à désigner le chef qui pouvait être une femme. Ainsi, élu par les hommes et par le ciel, le chef devenait roi et il tirait de là sa légitimité.
Ce peuple arriva donc de l'est, comme d'autres, avec une vision aussi compliquée que les autres mais avec deux atouts : le four et le fer.
L'histoire du fer occupe une place centrale dans celle de l'humanité car, n'en déplaise à tous les philosophes et théologiens, sa découverte et son exploitation ont placé l'Europe du Nord dans une position privilégiée vis à vis du reste du monde. La métallurgie, industrie née de l'art des maréchaux-ferrants donna beaucoup plus de force et de puissance à nos régions que la sagesse ou la culture de ses habitants. La présentation historique de notre continent a toujours sous-estimé cette découverte pour des motifs militaires, voire d'espionnage et au nom de l'éthique. La vérité du dieu des Hébreux était plus forte que le glaive, sans doute, mais cette épée était en bronze ! Celle des chevaliers chrétiens sera en fer. Pour tous les intellectuels, rabaisser ainsi les valeurs de la cité occidentale est une démarche honteuse. Pour les gens de toutes les églises, le fer est le fruit de l'enfer . Vulcain est banni sous terre. Dans la mythologie allemande, ce sont des nains affreux qui couleront le métal, les Nibelungen dont Siegfried volera le trésor.
L'âge du Fer, dans l'histoire mythologique, marque le début de l'humanité méchante. Le fer est depuis l'origine maudit et le restera jusqu'à l'apparition d'une malédiction plus terrible : la bombe atomique soit pendant près de 29 siècles et demi.
La première coulée a dû avoir lieu 1000 ans avant le Christ entre la Suède, où le minerai est abondant et les monts métalliques du Harz en Allemagne. Ce petit massif proche des provinces de Hanovre et du Brunswick est bordé par deux fleuves dont il faut souligner l'importance, du fait de leur cheminement latitudinal : la Weser et la Saale.Avec les Celtes nomades, la métallurgie traversa le Rhin pour s'implanter le long de la Sambre, adossée aux réserves forestières des Ardennes.
Vers 800 avant notre ère, les Celtes pénétrèrent dans le Vermandois et s'y installèrent durablement. Les signes de leurs passages foisonnent aux quatre coins de nos cantons comme dans beaucoup de sites en France. Ici pourtant se trouvait l'avancée significative : la tête de pont de cette invasion pacifique. Les dieux celtes remplacèrent les croyances obscures des Ligures avec une tête en plus: Gofannon, le forgeron. Parmi les divinités qui n'étaient que des avatars, il faut citer, pêle-mêle : Sucellos, dieu de la fécondité cousin de Cybèle et de Sylvain, Esus, le dieu des forêts, plus connu des cruciverbistes que des gardes, le dieu des troupeaux, Smertios ou Ognios, le dieu du commerce: Lug qui donnera son nom à Lugdunum( Lyon), Donn ( Donnerwetter!), le dieu sombre de la terre, Belenos le guérisseur , Mallo, dieu de la guerre.
Tous figurent parmi les grands et veulent régner sur l'univers. Les petites divinités sont, elles, plus proches de nous : Matrae protège les sources, Arto divinise l'ours, Epona les chevaux et Taranis le chêne, ce bois si dur que seul le fer pouvait entamer et dans les branches duquel fleurissait le gui, cet autre prodige de la nature qui donne un fruit blanc en hiver à cueillir uniquement avec une serpe d'or!

Statuette d'un Dieu Gaulois de la Guerre retrouvée en Picardie

Les dieux, qui se prétendaient venus depuis la création du monde, trépassèrent et leurs souvenirs furent plus éphémères que la rosée du matin. Les Celtes ne leur devaient qu'une considération modérée car ce qu'il nous reste de cette glorieuse peuplade nous apparaît d'une utilité beaucoup plus matérielle : les buttes celtiques,nombreuses dans le Vermandois, souvent oubliées et mal entretenues, il est vrai qu'elles ne recèlent pas d'or, sont de conception très pragmatique. Leur message est cependant essentiel à la compréhension de notre pays. On sait que ces tumuli ont été érigés, depuis le lointain Kazakhstan, partout où les Celtes ont séjourné.
Comme une grande partie des premières recherches archéologiques a été initiée par des idéalistes de l'époque romantique, les explications fournies en premier relevèrent du pur délire poétique : les buttes commémoraient de brillants chefs guerriers morts au combat. Sous chacune d'elle reposait donc un héros ! Vermand, Attilly, Flavy le Martel seraient des sanctuaires ....L'interprétation suivait en droite ligne la mode académique pour l' égyptologie et confondait les pyramides avec nos monticules, le pharaon avec de beaux soldats. Nos prédécesseurs, quasiment nomades, n'avaient pas le fétichisme de la mort non plus que celui du héros! Quand la bravoure se mesure chaque jour contre les animaux sauvages et que la fin tragique est une compagne collective, les morts ne peuvent être vénérés que démocratiquement et sans ostentation. Non, les buttes servaient les vivants et participaient à la force des Celtes autant que le fer. Vermand porte dans son site toute l'explication de notre histoire. Sur une butte, qui permet de dominer la cime des arbres, les vues portent loin et presque de tous les côtés. Tout alentour, de petits reliefs sont en vis à vis et la distance qui sépare notre observatoire de ses satellites n'excède pas deux heures de chevauchée. De nuit, la proximité est encore plus flagrante et un petit feu, allumé sur le sommet des buttes encore connues à ce jour, est visible à 30 kilomètres à la ronde.


L'intérêt des buttes se déduit du réseau qu'elles constituaient. L'ennemi viendrait nécessairement par la ligne de crête et par les bois et l'arrêter avant la lisière était un combat incertain, toutes les secondes comptaient et la technique de la fixation et du contournement était une astuce militaire déjà bien connue. La butte servait ainsi de poste d'observation et d'alarme. L'ennemi repéré était harcelé, mais à la manière de coups d'éperons dans les flancs, sans plus et jusqu'à être tiré vers la butte. Là, les maigres combattants faisaient front avec l'énergie du désespoir et la certitude qu'une résistance de une à deux heures suffisait pour que toute la région armée encercle les assaillants, impitoyablement. Le dos contre la butte, ou à cheval chargeant en direction de ce relief, les soldats de la région mourront nombreux en contrebas.La mémoire des combats subsistera un peu plus longtemps que l'utilité de l'édifice, mais l'entretien des buttes pour des motifs spirituels devint un luxe trop lourd, elles retournèrent à la terre lentement. Avaient -elles encore un sens à l'époque de la gloire des Celtes que l'histoire transforme insensiblement chez nous en Gaulois chevelus ? Vers 560 avant JC, les Gaulois descendirent jusqu'à Rome et les auteurs grecs parleront d'eux avec frayeur mais aussi un brin d'admiration. L'élevage et le ferrage des chevaux avaient donné des arguments aux tribus pour aller au Sud en vainqueur. Mais Rome vaincue se souviendra de la leçon alors que nos guerriers ne ramèneront de la capitale du Latium que des pacotilles. Deux mondes s'étaient rencontrés, mais, comme l'enseigne l'histoire des siècles, seuls les vaincus sortaient plus forts. La ville éternelle commença, dès lors, à s'armer comme l'ennemi, à organiser la cité pour sa défense et sa gestion et à programmer son ascension vengeresse. Les hordes gauloises, triomphantes repartirent plus divisées par le partage du butin qu'elles n'étaient arrivées et fort heureuses de ne pas vivre dans une ville marécageuse, surpeuplée et assez malodorante. Ses membres retrouvèrent vite leurs habitudes de campagnards convaincus de leur supériorité corporatiste et ne ramenèrent ni l'écriture, ni les déclinaisons. C'était écrit, l'écriture latine prendra sa revanche et donnera l'acte de naissance de la matière de notre livre.


Les premières habitats collectifs.

Du cinquième au premier siècle avant notre ère, pendant quatre cents ans environ, le site de Vermand fut le centre lumineux d'un cercle qui allumait, sur toute la circonférence, des feux de signalisation. Plusieurs villages se spécialiseront dans la métallurgie du fer, Bohain, Péronne, Flavy le Martel et développeront les outils de base de la chasse, de l'élevage et même des poignards. Dans les fours, aux multiples usages, seront aussi préparés des poteries pour la conservation des aliments, des statuettes et sera même inventée ce produit si courant aujourd' hui : le jambon.
A une américaine qui riait du nom de Ham, intriguée par l'homonymie de ce village français avec le jambon glissé dans son hamburger quotidien, il m'est arrivé de dire, en plaisantant que c'était le lieu même où le jambon anglais avait été découvert. Les porcs et les sangliers domestiques constituaient déjà un aliment de choix pour des familles qui savaient cuisiner dans des fours et dans des moules en fer, résistant à la flamme et qui ne disposaient pas de suffisamment de sel pour conserver des aliments par seule salaison. Avec la sécurité conférée par les buttes, la science du feu, de l'eau et du bois à profusion , les Celtes Gaulois vécurent heureux longtemps chez nous, avec des réserves de nourriture à faire pâlir de jalousie toute l'Afrique. Des sépultures dites de l'époque mérovingienne ont été retrouvées dans presque tous les villages de notre contrée, malheureusement au siècle dernier à une époque où la datation au carbone 14 ne figurait pas dans l'équipement de base des paléontologues amateurs.

    Les villas celtes révélées par les photos aériennes    


Près de Vendhuille, au lieu dit le " camp de Leziaux ", fut mise à jour la tombe d'un homme de cette époque lointaine. L'homme savait que ses restes deviendraient poussière : aussi, c'est à notre intention que dans son sarcophage boîte aux lettres, il repose avec une épée en fer dans la main gauche, épée courte et droite à deux tranchants, à la ceinture, un poignard et un couteau, une lance également et la fameuse hache militaire à deux faces: la francisque. Cet attirail solennise le rôle du fer et authentifie la puissance du défunt. Les pièces d'or gauloises sans inscription écrite mais figurant côté pile un soldat casqué et côté face un cheval fougueux complètent le viatique. A sa réincarnation, ce personnage aurait droit au tapis rouge, à des égards et à de la considération, même au 21ème siècle !. Le sens de l'éternité habitait déjà entre Somme et Escaut. Outre les buttes que plusieurs historiens qualifiaient de tombelles, sans jamais avoir excavé d'ossements de ces terres rapportées, les sépultures qui ont été retrouvées à Achery, Anguilcourt, Brissy-Hamegicourt, Caumont, Cugny, Gouy, Moy, Noyelles, Pontruet, Seraucourt, Thenelles, il faut citer les pierres dressées, connues sous le nom de Menhirs.
Les péripéties de l'histoire et la méconnaissance des signes ont eu raison de la plupart de ces monuments. A Gouy subsiste un lieu dit " le château des Hautes Bornes", seul le nom reste des édifices à usage d' habitation et à usage rituel.
A Beaurevoir, le site de la butte a conservé le nom de "haute Borne", à Bois et Pargny, un menhir de 4.80 m de haut se dresse encore rebaptisé le verziau de Gargantua (la pierre à briquet). Le menhir de Doingt atteint lui aussi la hauteur respectable de 4 mètres de haut. A Ham, plus modeste avec ses 2m 50, l'imaginaire populaire lui a attribué une singularité : la " pierre qui pousse" fait un tour sur elle-même chaque nuit de Noël ! Il fut dit aussi que Gargantua, en passant à travers le pays, sentit dans son soulier quelque chose qui le gênait et secoua sa chaussure ... A Bellicourt, on peut encore voir un dolmen à la " pierre large". A Tugny et Pont, le Menhir porte le nom savant de Mégalithe de la Pierre à Beni. Le message des Menhirs reste à décrypter et pourtant d'Irlande à Carnac, il transmet un salut collectif, une affirmation d'unité au delà des distances. Une foi commune, une "Weltanschauung", la cosmologie se matérialise pour les spectateurs futurs.
Saint Thomas d'Aquin, en s'interrogeant sur la fécondité de la terre de France en Saints et Saintes, écrivit : " Parce qu'en Gaule l'attachement au sacerdoce chrétien devait être très fort, il fut permis par Dieu que, déjà chez les peuples gaulois, les prêtres, qu'ils appelaient druides, définissent le droit de toute la Gaule".
Parce que la terre portait en elle une valeur sacrée, les Celtes de chez nous croyaient en un destin supérieur et étaient prêts à lui sacrifier leur existence. Le sacerdoce avait déjà un sens.L'autre vestige indiscutable de la longue présence celtique se trouve contenu dans le nom de la grande majorité des villages de chez nous. Les consonances des lieux habités dans les points bas comme Moy, Attily, Athies, Origny, Y, etc, ..tous les villages à terminaison Y, nous le rappellent amplement.
Maître des lignes de crête grâce aux buttes, Les Celtes vivaient près des plans d'eau et des terres grasses une vie agreste heureuse et n'auraient jamais imaginé que des envahisseurs ultérieurs viendraient construire des demeures sur les points hauts, battus par les vents, sans eau et à la merci des bêtes sauvages.
C'est ainsi que les villes et villages situés sur les sommets portent chez nous des noms d'origine latine ou des noms de saints. Les Romains pour implanter leurs oppida et les Saints pour fonder des abbayes, ne trouvèrent, en effet, de terre libre que sur des points élevés. Les vérifications de cette réalité historique, pourtant vieille de plus de deux mille ans, surabondent!

Listes. des buttes, Tumulus, Tombelles.

Annois, Attily, Clastres, Croix-Fonsommes, Cugny, Etreillers, Fieulaine, Fluquières, Fonsommes, Foreste, Frières-Faillouël, Flavy-le-Martel, Guivry, Holnon, Lesquières St-Germain, Maissemy, Moy-de-l'Aisne, Omissy, Pontru, Vermand, etc...





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