LA GUILLOTTINE SECHE .

une mise à mort lente.




La période 1793-1794, qualifiée de Terreur rouge fut particulièrement sanglante : on dénombra pas moins de 2500 personnes guillotinées, sans compter les victimes des massacres de Septembre (1600 environ).


La disparition de Robespierre, le 10 thermidor an II, mit fin à la Grande Terreur. Les nouveaux maîtres, jacobins rigides comme Billaud-Varenne et Carnot, athées comme Vadier que le culte de l’Etre Suprême exaspérait, politiciens pourris comme Barras et Fouché, ou amoureux pressé d’agir pour sauver sa belle comme Tallien, ne songeait ni à changer de régime, ni à modifier son orientation, encore moins à en revenir à une politique de détente.


Mais ils furent emportés par le torrent d’allégresse qui suivit la chute du « tyran ». Robespierre, ayant mécontenté beaucoup de monde en épurant les factions (Girondins, Hébertistes, Dantonistes…), devint naturellement le bouc émissaire, et donc seul responsable des multiples exactions commises. « Le même coup qui l’avait frappé, tua la peur. La France entière avait la nausée de l’échafaud. Bon gré mal gré, le régime dut suivre l’opinion » (Daniel Rops)


Et en effet, si la Convention continua de gouverner, une nouvelle période s’ouvrit : le climat général changea du tout au tout. Les nouveaux dirigeants, s’alliant aux modérés, prirent en main les destinées du pays. Ils fermèrent le Tribunal révolutionnaire et le Club des Jacobins, bâillonnèrent les Comités de salut public, et tentèrent de revenir à une sorte de normalité, allant même jusqu’à autoriser le retour du culte catholique (à leur corps défendant).


L’euphorie gagna le pays tout entier : « on rapporte qu’un jeune député de Lyon, Camille Jordan, déployait un tel talent pour réclamer la restitution des sonneries de cloches qu’il y acquit le surnom de « Jordan-Carillon » (Daniel Rops).


Mais les difficultés se multipliaient : le gouvernement faible et devisé ne parvenait pas à imposer les réformes souhaitables. La chute des assignats plongeait le peuple dans une sombre misère aggravée par un hiver particulièrement rigoureux. Des émeutes éclatèrent un peu partout. Par bonheur, les victoires de Pichegru et de Jourdan contre les ennemis extérieurs permirent d’entamer des pourparlers de paix et de sauver un gouvernement aux abois.


C’est alors que la Convention décida de se saborder, de confier l’élaboration d’une nouvelle Constitution à la « commission des onze » et de faire évoluer le régime de la République: ce sera le Directoire. D’entrée, celui-ci hésita entre droite et gauche, entre tolérance et fermeté : en fait, sans ligne conductrice, sa politique ballottait au gré des évènements.


Plusieurs conspirations, montagnardes, royalistes et babouviste, plus une élection qui éliminait à 95% les anciens conventionnels de la chambre des députés, força le gouvernement à adopter une attitude radicale. Se souvenant que les anciennes lois de terreur n’étaient pas abrogées, ils décidèrent de les appliquer à la lettre.


S’ouvrit alors une nouvelle ère de persécution contre tout ce qui « troublait l’ordre public » : en premier, les royalistes et le clergé catholique, prêtres jureurs et non jureurs étant finalement mis dans le même sac.


Cependant, il n’était pas question d’un retour à la guillotine, le peuple écœuré par tant de sang versé, ne l’aurait plus supporté.


Elle fut remplacée par la déportation en Guyane, dont le but était de faire mourir à petit feu les condamnés.


C’est ce qu’on a appelé le régime de la « guillotine sèche ». Ce furent surtout des prêtres, des royalistes, des opposants républicains et des « inciviques » de toutes sortes… qui « bénéficiaires » de ce mode d’exécution particulièrement indigne. Ils furent embarqués sur ces fameux pontons de Rochefort qui, entre 1792 et 1795, virent périr un grand nombre de prêtres réfractaires.


De Gracchus Babeuf, condamné pour avoir participé à la « conjuration des Egaux» soi-disant destinée à renverser le Directoire

(2) C’était en fait la mort de la République qui fut sauvée par l’intervention « musclée » du jeune général Bonaparte.