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Saint Anschaire
évêque de Hambourg et de Brême (801-- 865)
Evangélisateur important du Nord de l'Europe

ou Anskar ou Oscar.

Natif de Fouilloy près de Corbie, il quitta la Picardie et son abbaye bénédictine de Corbie, qui en ce temps était un centre très vivant de sciences et de sainteté. Il fonda tout d'abord une abbaye en Saxe, à Corwey (Corbie) puis il évangélisa les "hommes du nord", les "Normands" d'abord au Danemark, puis en Suède.



Au nord ouest de Stockholm, dans l'île de Björke, et dans la région du Russland, il fonda un monastère d'où il évangélisa les Varègues, ces Normands de l'Est qui descendaient le Dniepr jusqu'à la Mer Noire et qui furent les "Rus", les premiers chrétiens de Kiev, un siècle avant la conversion du prince Vladimir.
Il revint au nord de la Germanie et se vit confier l'évêché de Brême où se termina son pèlerinage terrestre.
Sa vie a été décrite par saint Rimbert, son successeur.
Il est également vénéré dans les Églises d'Orient et le synaxaire orthodoxe dit de lui: "Il n'entreprenait rien sans avoir consulté Dieu."
A lire:
Vie de saint Anschaire par Rimbert, éditions du Cerf (illustration)
Louis le Pieux et son siècle, par Jean-Marie-Félicité Frantin, page 376 et sq.
Mémoire de saint Anschaire, évêque de Hambourg, puis en même temps de Brême en Saxe. D'abord moine de Corbie, il fut envoyé par le pape Grégoire IV comme légat pour toute l'Europe du Nord. Il annonça l'Évangile à une multitude de peuples au Danemark et en Suède et y établit l'Église du Christ, malgré bien des difficultés qu'il surmonta de grand cœur, jusqu'à ce que, épuisé par ses travaux, il trouve le repos à Brême, en 865.



Saint Anschaire

801 (Fouilloy)-865 (Brême), moine de Corbie et de Corvey
Archevêque de Hambourg-Brême, légat pontifical pour l'évangélisation des Suédois, Danois, Slaves et autres peuples du Nord
Apôtre du Nord, Saint Patron du Danemark

Son nom

Anschaire  appelé aussi Oscar ou en allemand Ansgar.
Étant d'origine picarde, le prénom doit être interprété Anger en français, ancien prénom devenu patronyme
Du point de vue étymologique,  de Os = Ans ou As, les Ases (Dieux) et de Car=Gar, Geir, Spear : la Lance, « La Lance des Dieux ». Autres formes : Asker, Ascheri, Ansger, Asgeir, Anscari, Anscher, Oskar, Ansker

Sa vie

800
Couronnement de Charlemagne
Naissance d'Anschaire

801
Anschaire à Corbie

814
Mort de Charlemagne. Début du règne de Louis le Pieux
Anschaire à Corvey

823-826
Baptême du Danois Harald Klak, prétendant au trône de Danemark
Séjour d 'Anschaire au Danemark, dans l'entourage du roi Harald

826-828
Mission d'Anshaire à Birka en Suède

829-830
Anschaire est élevé à la dignité archiépiscopale. Le diocèse d'Hambourg est créé pour lui. L'évêque Gaudbert, neveu d'Ebbon de Reims est envoyé à Birka

831-832
Le pape Grégoire IV nomme Anschaire légat du Saint Siège auprès des peuples du Nord, conjointement à l'archevêque Ebbon de Reims
Gautbert est chassé de Birka par de violentes émeutes antichrétiennes

Vers 840-845
Siège de Birka par une flotte danoise
Le traité de Verdun prive l'archevêché de Hambourg des subsides que lui apportait le monastère de Torhout près de Bruges

840-843
Mort de l'empereur Louis le Pieux. Démembrement de l'empire
Hambourg ravagé par les danois. Anschaire chassé « sans un fil sur le dos » trouve refuge à Brême

845-848
Sac de Hambourg. Le concile de Mayence accepte après de longues tractations que le siège épiscopal de Brême soit occupé par l'archevêque de Hambourg
Reprise de la mission au Danemak. Anschaire établit de bons rapports avec le roi Horich l'Ancien qui l'autorise à construire une église

Vers 848
Seconde mission d'Anschaire à Birka. Au terme de négociations difficiles, Anschaire réussit à faire admettre la présence d'un prêtre à Birka

851-852-854
Expédition suédoise en Courlande
Troubles antichrétiens au Danemark à la mort du roi Horich

864
Le pape Nicolas 1er confirme officiellement la fusion des deux Églises de Brême et de Hambourg en un seul archidiocèse
Décès d'Anschaire le 3 février 865 à Brême

865
Rimbert, moine de Torhout et compagnon d'Anschaire devient le deuxième archevêque de Hambourg-Brême

Charlemagne et les peuples du Nord


D’après de nombreux historiens, le phénomène viking serait principalement dû à une réaction à la christianisation forcée par le fer et le feu
Charlemagne, profondément religieux, convaincu que Dieu avait confié au peuple franc et à son souverain la tâche de répandre et de défendre la foi chrétienne, passa sa vie à convertir tous les païens d'Europe. Par le fer et le sang, il réussit à établir un empire chrétien sur la majeure partie de l'Europe occidentale. Particulièrement, le peuple qui occupait le nord de la Germanie à la frontière du Danemark, fut victime d'épouvantables massacres, le roi franc employa la force et la terreur  et il imposa sa foi par d'extrêmes violences tel que le massacre de Verden en 782, où les Francs décapitèrent 4 500 personnes, déportèrent 12 000 femmes et enfants parce qu'ils refusaient le baptême. L'empereur franc fit détruire l'arbre sacré, l'Irminsul, afin de « chasser le diable » de Saxe.
L'historien des religions, Rudolf Simek explique que « Ce n’est pas un hasard si le début de l'activité viking s'est produit sous le règne de Charlemagne […] La montée du christianisme constituait une menace en soi ».
Ces massacres contre tous les païens engendrèrent un émoi considérable pour les Vikings. Ils étaient soucieux de défendre leur honneur, car leurs valeurs leur imposaient le devoir de se venger. En 785, Charlemagne instaura en Saxe le capitulaire De partibus Saxoniæ. Le chef des Saxons Widukind résista très longtemps et se réfugia à plusieurs reprises chez ses voisins nordiques (danois). Les Saxons et les Danois étaient très proches, ils avaient les mêmes croyances, la même culture. Ils firent cause commune pour résister à l'empire chrétien.  En réaction, les Vikings danois attaquèrent les Abodrites, un peuple allié de Charlemagne. Ils renforcèrent le Danevirke pour se protéger de l'empire chrétien qui les menaçait à leurs frontières, puis vers 810, 200 navires vikings se lancèrent sur la Frise.
Il s'agit « d'une haine de religion entre les Vikings et les Chrétiens », ce qui expliquerait selon ces historiens que ce soient principalement les églises, les cloîtres et les autres édifices sacrés avec leurs habitants les nonnes, les moines et les prêtres qui furent l'objet de la fureur, des insultes et des outrages des Normands encore païens et leur haine du christianisme. Pour assouvir leur vengeance, un strandhögg viking (petit commando), prit le risque de s'enfoncer dans le territoire franc. Ils ne se contentèrent pas de piller le tombeau de Charlemagne à Aix-la-Chapelle, ils prirent le temps de profaner la sépulture et la dépouille du grand Empereur de la chrétienté. Les Vikings agissaient ainsi dans tous leurs raids, non contents de voler les biens de l'Église, « ils piétinaient et s'acharnaient sur les reliques sacrées, insultaient et outrageaient, mus par une véritable haine à l'encontre de la religion chrétienne
Signalons que le monastère de Corbie fut dévasté par un raid Viking en 881.

Les successeurs de Charlemagne

Au décès de Charlemagne il ne lui reste qu'un seul fils vivant, Louis qui reçoit la couronne d'Empereur. La division du royaume franc et de l'empire est ainsi évitée. Louis, connu sous le nom de Louis le Pieux, est considéré comme un empereur faible, qui ne réussit pas à contenir les raids Vikings qui se multiplient. C'est lui qui envoie Anschaire évangéliser les peuples du Nord, sur la suggestion des moines de Corbie et Corvey, en particulier Wala, abbé de Corbie, frère d'Adalard et cousin de Charlemagne, dont il fut l'un des grands seigneurs de guerre. Ses trois fils : Lothaire, Louis et Pépin se rebellèrent contre lui et le déposèrent de son trône, qui lui fut rendu quelque temps après, dans des
Au décès de Louis le Pieux, trois fils vont se partager le royaume, selon les coutumes des francs. Louis le germanique, Lothaire et Charles le Chauve se mènent une guerre fratricide, avec de nombreux rebondissements. Le monastère de Torhout se trouvant dans le royaume attribué à Charles le chauve, celui-ci en ôta les revenus à l'archevêque de Hambourg (Anschaire) qui était dans le royaume attribué à Louis le germanique. Dans ces querelles se formèrent des coalitions d'évêques luttant pour l'un ou l'autre des frères et connaissant des revers ou des retours en grâce selon les victoires des uns et des autres. L'archevêque de Reims, Ebbon, chargé par le pape, tout comme Anschaire, de l'évangélisation des peuples du Nord fut très mêlé à ces péripéties et ne fut plus en état de remplir sa mission.
On peut également suggérer aux esprits curieux d'histoire de lire l'article de Wikipedia sur « les fausses décrétales », épisode quelque peu rocambolesque de la vie de l’Église qui tourne autour du monastère de Corbie et de ses abbés (Wala puis Paschase Radbert), de l'archevêque de Reims Ebbon et de l'évêque d'Amiens, Jeffé.

La Vita Anskarii

L'essentiel de ce que nous savons vient de la Vita Anskarii, vie de Saint Anschaire écrite peu de temps après sa mort par son disciple, Rimbert, qui lui succéda à l'archevêché de Hambourg. Voici ce qu'en dit Jean-Baptiste Brunet Jailly qui en assura une édition française en 2011.
'La tradition désigne souvent sint Anschaire, moine bénédictin et premier archevêque de Hambourg, comme « l'apôtre du Nord ». Et la Vita Anskarii, écrite après sa mort par Rimbert, qui lui succéda sur le siège archiépiscopal, traite en effet largement de la légation pontificale dévolue à Anschaire pour l'évangélisation des « Suédois, Danois, Slaves et autres peuples du Nord ». Cette dignité, qui lui fut conférée en 832 « devant la dépouille et le tombeau de saint Pierre » par le pape Grégoire IV, et dans laquelle le confirma en 864 une bulle du pape Nicolas Ier, lui donnait « toute autorité pour prêcher ces peuples ». Durant plusieurs siècles après la mort d'Anschaire, les archevêques de Hambourg exercèrent au demeurant cette légation « par droit de succession, comme un héritage ».
'La Vita Anskarii constitue à ce titre une référence précieuse pour l'histoire de l’Église. … Mais cette Vita intéresse aussi le destin politique, culturel et spirituel de l'Europe occidentale. Elle a pour toile de fond le grand siècle des invasions normandes, le démembrement de l'Empire carolingien, l'émergence des premières monarchies scandinaves, mais nous offre aussi, peint sur le vif, et sous forme littéraire extrêmement brillante, le tableau les plus ancien que nos possédions de la rencontre, dans les « îles du Nord », de « la fleur des moines de France » et des « peuples du dehors ». On reconnaîtra sans peine en Rimbert un représentant de l'esprit de haute culture que la « Renaissance carolingienne » fit rayonner dans les grands monastères chrétiens du IXème siècle.
'Moine de l’abbaye royale de Corbie -de spiritualité bénédictine, généreuse et lettrée-, Anschaire fur désigné en 826 par l'empereur Louis le Pieux, fils et successeur de Charlemagne, pour aller porter la parole de Dieu aux Danois, pirates redoutés, dont le domaine, à la fois terrestre et maritime, s'étendait au Nord de la Saxe, au-delà du fleuve Eider. Envoyé ensuite auprès des Suédois – dont on disait dans l'Antiquité, que leurs cités s'élèvent « in ipso Oceano – dans l'Océan même »- il vécut plus d'un an parmi eux, sur une île du lac Mälar, à Birka, qui était alors le plus grand port de la Suède. Chassé de son archevêché de Hambourg en 845, lors de le destruction de cette ville par les Danois, Anschaire s'établit finalement à Brême , d'où il dirigea jusqu'à sa mort l'évangélisation des peuples  saxons, frisons et slaves du nord de l'Elbe, et la prédication missionnaire qui relevait de sa légation … parmi les « peuples du Nord ». En dépit de sa foi, de ses dons, de ses efforts, la légation d'Anschaire « en une contré si différente de notre monde » n'éveilla d'abord qu'un faible écho sur ces rivages. Il obtint des Danois l'autorisation d'édifier une église à Hedeby (Schleswig), et persuada les Suédois de le laisser en élever une autre à Birka. Ainsi la Vita Anskarii , écrite par Rimbert peu après la mort de ce saint, peut-elle apparaître aussi comme un hommage à l'apôtre aux prises avec un « paganisme » à la fois courtois et imprévisible, insaisissable et soudain sanguinaire, qui tantôt paraît accueillir le message que tente de lui délivrer Anschaire, tantôt se rétracte en invoquant « l'ancienne coutume » autour de laquelle se sont forgées les vieilles sociétés nordiques.
(…)
'.. Durant soixante-dix ans après la mort  d'Anschaire, des moines issus de Corvey veillèrent aux destinées de l'archevêché de Hambourg-Brême et présidèrent à l'exercice de sa vocation missionnaire. Le dernier de ces moines-archevêques fut Unni (918-936), qui, « marchant sur traces du grand prédicateur Anschaire », gagna à son tour Birka, où « les Normands avaient complètement perdu le souvenir de la religion chrétienne ».
(…)
'Ce qui rend saisissant le portrait que la vita Ankariir présente de ce saint, c'est en effet l'accord mystique de la ferveur contemplative et du discours apostolique : « Dès son enfance, il fut divinement inspiré.. ». Anschaire se meut, en médium, dans un univers merveilleux de formes visuelles et sonores qui annoncent l’événement, ou dont la message demeure chiffré jusqu'à l'instant où les faits lui donnent un sens. C'est sous la loi de ces « songes », de ces « visions », de ces « illuminations » intérieures qu'Anschaire affronte l'Inconnu, en croyant s'avancer vers le sacrifice suprême (la mort par le martyr), qu'il appelle de ses vœux, car il le tient pour la plus haute dignité à laquelle puisse aspirer la foi. N'a-t-il pas entendu jadis une voix céleste lui dire : « Va, et tu me reviendras avec la couronne du martyre »? Qu'il soit finalement frustré de son désir le plus cher (il meurt de maladie à Brême), de sa certitude la plus intime, ne signifie pas que de telles images le trompent, mais plutôt, comme il le comprend durant ses derniers jour, que la foi doit transcender jusqu’à ces signes, et qu'il n'est d'espérance que dans l'abandon à Dieu.

Dans l'abbatiale de Corbie figurent deux statues et des reliques de saint Anschaire (photos plus loin). Deux autres statues célèbrent saint Witmard et saint Nithard, saints du IXème siècle sur lesquels ne sont données aucune indications. La Vita Anskarii permet d'en savoir un peu plus.