Mercredi 11 Novembre 1914 | Nous vivons au son du canon. Le combat est paraît-il très violent, très meurtrier de l'aveu des allemands eux-mêmes. 4 fils téléphoniques sont posés devant nos fenêtres si bas qu'on les décroche en ouvrant les volets. |
Jeudi 12 Novembre 1914 | Un des fantassins de dimanche trouvant sans doute la maison bonne vient y prendre gîte pour la nuit. |
Vendredi | Deux nouveaux logeurs du dimanche . |
Samedi 14 Novembre | Rentrant ce soir vers 6 heures, je trouve Jean en conversation animée avec deux officiers. Ils exigent deux chambres à coucher or il n'y en a qu'une de disponible. La discussion se hausse à un tel degré que le Commandant nous menace, si nous n'accédons pas à ses désirs, d'installer 50 hommes sur la paille dans la salle à manger . On parlemente. En fin de compte, nous accordons les deux logements. Jean Marie cèdera son lit et couchera sur une chaise longue. En dédommagement, le Commandant installera ailleurs la cuisine et le cuisinier qu'il nous destinait. Il demande toutefois à prendre ses repas seul chez nous, se contentant de notre ordinaire et payant sa pension. Cet officier un peu vif est, somme toute, assez sympathique : " Que voulez vous, dit-il , en manière d'excuse, il faut bien forcer les portes !" Marié, père de deux enfants, il était consul d'Allemagne à Barcelone et possesseur d'une belle fortune nous dit son compagnon. Celui-ci, une sorte de géant comme son chef, se nomme Waldemar Buttner. C'est un docteur. Il appartient au 12ème reg de dragons 4ème escadron. |
Dimanche | Les allemands prennent trois otages |
Lundi | Réquisition de couvertures à domicile . Grâce à nos logeurs, nous sommes dispensés d'en livrer. Les allemands exigent des hommes pour enterrer les morts au champ de bataille. Ils émettent pour 20 000 frs de billets au nom de la ville, billets servant à payer leurs soldats qui se hâtent de les dépenser dans les magasins au grand mécontentement des commerçants. |
Mardi | Le Commandant Plehn reçoit à souper quelques amis. Il félicite chaque jour la cuisinière de son talent et goûte beaucoup notre vin, ce qui ne me rassure qu'à moitié. |
Mercredi 18 | Cérémonie religieuse. Réquisition de 24 chevaux et 6 camions ou 10 000 frs en espèce au choix. |
Samedi | Le commandant nous annonce son départ pour demain. " Quel dommage dit-il avec malice , je ne pourrai pas vider votre cave ". Malgré les libéralités dont il la gratifie, la domesticité est enchantée de l'évènement car notre hôte s'y entend à mettre une maison en l'air, réclamant à tout propos les services de chacun. C'est ainsi qu'aujourd'hui pour la préparation des bagages, tous les corps de métier défilent chez nous : peintre, sellier, serrurier, etc. |
Dimanche 22 Novembre | Passages de troupes durant la nuit . Cérémonie religieuse. Départ des officiers qui nous laissent en remerciement de leur séjour une grande boîte de petites saucisses excellentes, une petite provision de thé, sucre, etc. |
Lundi | Deux officiers se présentent pour occuper les chambres. Quatre mangent dans la petite salle à manger. Georgine cuisine, l'ordonnance sert à table. Le soir tout le monde nous quitte à l'exception du Pasteur protestant Haldhémar Baumann qui logera et prendra ses repas chez nous. Le canon et les mitrailleuses du champ de bataille continuent à nous bercer de leur imposant fracas. |
Jeudi 26 Novembre | La parc d'aviation allemand est transporté au hameau du Coucou avec prairies bordant la Lys. donc en arrière !. |
Samedi 28 | Terrible canonnade durant la nuit . L'alarme est donnée aux troupes allemandes . Les habitants des maisons avoisinant se réfugient dans les caves. Les billets émis sur l'ordre de réquisition allemand atteignent déja une valeur de 260 000 frs. |
Dimanche 29 novembre | Un mot au sujet du pasteur. il est marié et parle volontiers de son "épouse", ce qui plonge les bonnes dans des abimes de stupéfaction. Pour achever leur édification, Paul l'ordonnance apporte un beau jour à la cuisine les objets nécessaires au culte religieux car on prépare un service. Il passe les hosties sur la table et demande un essuie-mains pour essuyer le calice. "Non, non dit-il, , un sale est suffisant ; h'is de krieg! " Voila qui est loin de nos respects catholiques. Cependant je vous avoue que le pasteur me semble un brave homme et même sincèrement religieux... à sa façon. |