Carnet I de MMe Cappelle née Denis pendant la guerre
                 du Mercredi 1er septembre au Jeudi 30 septembre 1915          

Mercredi 1er septembre On annonce le départ des ambulances de Roulers , Dhoncourt, etc...
Les soldats allemands racontent qu'ils ont entendu des sonneries de cloches de l'autre côté du front. En quel honneur ?
Une bombe provenant d'un avion tombe sur des soldats qui s'exerçaient et en tue.
Un soldat de la marine vient occuper la chambre à loger .
Vendredi 3 septembre La ville est menacée d'une punition. Le mot "pas" ayant été effacé sur les affiches portant le discours du Kaiser qui déclare n'avoir pas voulu la guerre.
Samedi Deux agents de la police secrète perquisitionnent chez Albert et l'arrêtent pour une affaire de lettres.
Lundi 6 septembre Perquisitions chez les membres du clergé et dans les maisons situées derrière l'église.
Mardi Perquisitions chez Mme Vandaele, au couvent St Georges.
Jeudi 9 Sept Jean est averti par une carte qu'il doit se présenter dimanche aux allemands. Pourquoi ?
Mr Pardoen accompagné du Hauptmann Trantz part pour Bruxelles afin d'y régler la question des finances de la ville toujours en très mauvaise posture.
Vendredi Nouvelles de notre officier ivrogne.
Il a beaucoup souffert dans les tranchées, nous dit-on,..... souffert de la soif.
Seules d'énormes rations de cafés pouvaient calmer tant soit peu les tourments de ce gosier altéré.
Je sollicite aujourd'hui mais en vain un nouveau passe port pour Tourcoing.
Samedi 11 750 hommes du 105 ont été forcés de se rendre aux alliés parce que, vu leur position fâcheuse, on ne savait plus les ravitailler.
Voici du moins ce qui se raconte en ville.
Dimanche 12 Nous ne serons pas punis pour notre audace de l'autre jour. Mr Pardoen ayant écrit une lettre d'excuse à la commandanture.
Inutile de dire que les commentaires vont leur train.
Jean doit faire acte de présence à la revue des hommes de la ville organisée chaque dimanche par l'allemand, ceci afin de prévenir les évasions possibles, j'imagine.
Lundi Un ss.off. du 126 est arrivé prendre quartier hier soir à neuf heures, il se nomme Hemmel et semble très poli.
Mardi 14 septembre Albert est appelé à la Commandanture au sujet de son affaire de lettres. Ils ont signé un rapport.
Mercredi 15 N'ayant pas perdu courage après un premier refus, je renouvelle ma demande à la Commandanture d'Halluin qui m'accorde enfin un laisser passer pour samedi.
Jeudi Aujourd'hui se termine la belle et bonne retraite prèchée au Cenacle par le P. Remy.
Samedi 18 Voyage à Tourcoing. Mais hélas, les nouvelles ne sont pas gaies : la mort de Pierre Cordonnier, tué l'an dernier à la bataille de la Marne et qui vient seulement d'être annoncée à sa femme, nous cause une triste impression et l'on dit que le sort de Louise, la femme veuve, est celui de tant de jeunes femmes de Lille !.
Au retour ayant prolongé outre mesure nos bonnes causeries, je manque le dernier tram pour Menin, heureusement la carriole d'un marchand de pommes de terre se trouve bien à point pour nous ramener à la maison, Guite et moi.
Dimanche Comines aurait été à nouveau bombardée.
Toute la nuit, nous entendons le crépitement des mitrailleuses ou des fusils qui nous semble plus rapproché.
Vers 9 heures du matin, violente canonnade qui ébranle la maison et même notre lit.
Lundi Notre ss.off. est nommé officier et subit en quelques jours une amusante métamorphose. Le tailleur, le bottier, viennent tour à tour y concourir. Le simple et fané "feldwebel" se mue avec brio en un pimpant lieutenant.
Mercredi Albert comparait aujourd'hui devant un conseil de guerre. Il est accusé d'avoir expédié de Bruxelles par voie clandestine des lettres d'affaires
5000 m d'amende au compte de l'usine où nous entrons pour un tiers.
Jeudi Conservation entre le lieutenant et Jean , conversation en anglais. Cet élégant gentleman serait d'après ses dires un futur religieux, ce qu'il y a de certain, c'est qu'un chapelet et des livres de prières trainent sur sa table à écrire.
Il s'informe près de Jean comment se procurer les Confessions de St Augustin. On apprend que quatre méninois de Lille ont été fusillés. Les officiers de "l'Intendantur" installée chez mes beaux parents réclament de plus larges tuyaux pour l'eau des WC.
Les tuyaux existant ne suffisent plus à leurs besoins.
Samedi 25 septembre Toute la nuit, le canon gronde avec une telle intensité que les Méninois ne peuvent fermer l'oeil.
Vers 3h 1/2, le feu roulant est à son apogée, l'alarme est donnée aux troupes , notre officier doit partir précipitamment, laissant ici son bagage, il semble très agité mais n'a cependant garde d'oublier ses récentes emplettes.
Un billet laissé dans sa chambre prie les bonnes de " purifier s'il vous plait ses boutes ", ses nouvelles boutes . Chez Juliette et Henri, une petite fille vient au monde à 4h moins 20 ce matin saluée par cette peu commune salve d'artillerie
23 prisonniers anglais sont amenés à la prison du marché, parmi eux se trouvent un blessé.
Depuis plusieurs jours déjà les trams amènent des soldats blessés,; aujourd'hui on compte 14 trems. Les alliés disent queles allemands tentent une percée. Ils ont fait quatre attaques et seraient allés jusqu'à la troisième tranchée.
Dimanche On dit que les nouvelles sont bonnes. Les français auraient fait une avance en Argonne et à Lens. Les Russes reprennnent l'offensive.
Tant mieux, mais qu'ils se hâtent !
Lundi Un train composé de 80 wagons passe en gare chargé de blessés.
Mardi 1500 hommes du 241 venant d'Inghem arrivent en ville.
Un officier loge chez nous
Une bombe tombe à 50 mètres des meules de blé, place de la Gare, mais sans faire explosion.
Jeudi 30 septembre Ce matin vers 2 heures on carillonne à la porte. Alarme !
2 prisonniers anglais. Plusieurs avions.