Carnet I de MMe Cappelle née Denis pendant la guerre
                 du Vendredi 1er octobre au Dimanche 31 octobre 1915          

 

Vendredi 1er octobre

Ce matin à 2 heures, nouvelle sonnerie, 4 soldats viennent enlever le bagage de l’officier.

Le 241 serait parti en chemin de fer.

Ces jours derniers, deux voitures de trams chargées de débris humains ont été amenées au Koelbus pour une inhumation . Quelle horrible chose que la guerre ! Peut on songer,  sans penser que ces malheureux tout allemands qu'ils soient, sont des époux et des fils !

Arrivée d’un ss off au 105.

Samedi 2

Le ss off du 105 se nomme Balve . C’est un chanteur d’opéra à Leipzig ce qui nous vaut de temps en temps l’audition d’un brillant morceau d’audition à laquelle nous ne sommes pas conviés bien entendu.

Mais une voie d’opéra ! cela se moque bien des portes fermées.

Jeudi 7 octobre

Balve est nommé officier. Lui aussi se lance dans les élégances !

Il aime beaucoup les enfants avec lesquels il joue parfois volontiers. Il lie conversation dans un français des plus précaires et quand nous le rencontrons dans la rue , ce sont des saluts… et des sourires !…. comme si l’on était amis.

Vendredi

Revue de chevaux de la ville qui sont presque tous marqués.

Emprisonnement  de 20 fermiers pour avoir livré du bétail sans autorisation allemande.

Samedi 9

Notre prison se resserre.

Nous ne pouvons plus quitter le centre de la ville , ni aller à Halluin. Impossible d’atteindre même les fermes situées au delà de l’agglomération.

Tous ceux qui habitent au delà des barrières de chemin de fer doivent être munis de laisser passer.

Tout est barricadé ou surveillé.

Jeudi 14

On bombarde Comines.

Les allemands aménagent une installation pour leurs soldats dans le couvent des religieuses paulines.

Samedi 16

Voici le résumé du régime sous lequel nous vivons.

Impossible de quitter le centre de la ville sans passe-port qu’on obtient qu’à grand peine ou pas du tout le plus souvent.

Aucun journal sauf les journaux allemands ou deux feuilles de Gand mais censurées et combien !

Aucune lettre , aucun billet sauf de rares exceptions.

Nous sommes isolés du reste du monde. Nos maisons converties en « quartier fur Offizier « , certaines presque envahies.

Des mesures prohibitives si nombreuses que les délinquants sont légions et qu’on a du aménager de nouvelles prisons.

Sans cesse sous le coup d’une perquisition d’une arrestation , d’une réquisition.

La vie de plus en plus chère. Certaines denrées atteignent de prix fous. Et pour finir enfin la douce perspective d’un bombardement.

Lundi 18 octobre

<p class=MsoNormal>Les allemands viennent visiter l’usine de Menin et parlent d’y loger 1000 soldats.

Nous devons déclarer par lettre à la Commandanture ce que nous possédons comme appareil photographique, plaques et installation.

Nouvelle visite pour s’informer du nombre de personnes et de lits de chaque maison.

Le tram dernier moyen de locomotion est interdit aux civils. Il ne nous reste que les rares et misérables équipages que l’allemand a bien voulu nous laisser.

Mardi

Cette après  dinée et que sans que rien ne l’ait fait prévoir, les Méninois ébahis voient passer dans leur rue le Kaiser...et sa suite accompagnés du Général Von  Crunneling, tous en voiture.

 Mercredi 20

Nouvelle affiche annonçant que la ration de pommes de terre sera dorénavant de 200 gr par personnes . Grand émoi en ville.

Jeudi 21

Il est question de nous rationner pour le lait.

Arrestation des demoiselles Von Thournout chez qui l’on aurait trouvé un revolver dans la poche d’un vieux pardessus.

Vendredi 22

Karl de la Commandanture vient annoncer à Albert qu’on va réquisitionner la scie de l’usine.

Ce soir le portrait de l’impératrice d’Allemagne apparaît à l’étalage du marchand de journaux allemands entouré de feuillage et de bougies allumées.

Stupéfaction des badauds qui croient au décès de le souveraine.

La question des pommes de terre est à l’ordre du jour. Que faire de nos provisions ?

On imagine de les mettre sous la charpente du toit au dessus de nos chambres. Hélas nous avions compté sans les rats. Ces intéressants rongeurs ravis d’une telle aubaine se livrent au dessus de nos têtes à de vrais jeux de boules. On tient conseil et Julien les loge dans un grand panier suspendu aux poutres. Vaine précaution…. Le tapage nocturne reprend de plus belle si bien que de guerre lasse , on déménage à nouveau les précieuses tubercules.

Samedi

Des perquis soldats viennent perquisitionner chez nous au grenier et à la cave pour s’assurer que nous n’avons plus de pigeons.

Passage de troupes d’Halluin ; 17ème—18ème—24ème aspirants officiers qui vont s’embarquer à la gare. Halluin est presque sans soldats . Ce n’est pas comme nous.

Arrivée de 500 prisonniers russes pour les travaux du champ de bataille.

Dimanche 24 octobre

On dit que les nouvelles du front russe et du front italien sont très bonnes. Ces communiqués ! comme passionnément on les commente ! Chacun jugeant la situation d’après son tempérament ce qui fait que les Méninois se divisant en deux camps : optimistes et pessimistes.

Jean et moi, nous rangeons parmi les premiers, qui sont d’ailleurs les plus nombreux.

Lundi

<p class=MsoNormal>Albert est appelé chez le juge pour s’entendre signifier qu’il doit avoir payé son amende avant le 4 Novembre.

Mardi 26 Octobre

On apprend qu’un schrapnell étant tombé à Gheluveld sur une baraque dans laquelle se trouvaient plusieurs officiers  en a tué quelques uns dont un major.

Départ du Commandant de place Schmidt qui emporte un joli souvenir de son séjour ici.

Ayant réquisitionné puisque cela se nomme ainsi en style de guerre de belles poutres en chêne de l’usine Plaideau, il s’est fait faire un beau mobilier de salle à manger.

Tout cela aux frais de la princesse, la pauvre princesse ruinée qu’est la ville de Menin.

Je vais demander un passe port à Tourcoing. Refusé !

Mercredi 27

De fortes détonations se font entendre ce soir. On dit que ce sont des obus anglais, de grands obus de 0.75 cent qui détruisent les baraquements allemands.

Rien aujourd’hui une visite peu banale. Visite de remerciement du lieutenant Hemmel pour l’hospitalité reçue.

              Prix des vivres à Lille :

                        Beure :10 frs

                        Viande : 9 frs

                         Pommes de terre : 0.45  le kg

     

Dimanche 31 Octobre

Un sergent de ville d’Halluin vient demander de la part de l’autorité allemande la quantité de papier contenue dans l’usine.