Carnet I de MMe Cappelle née Denis pendant la guerre
                 du Jeudi 2 Décembre au Vendredi 31 décembre 1915          

 

Jeudi 2 décembre

Nous assistons du jardin à un combat entre 3 avions allemands et un anglais. Le monoplan allemand descend précipitamment.

Dimanche 5 décembre

Les affiches placardées à Halluin invitent les personnes qui le désirent à se faire inscrire pour être dirigées sur la France par la Suisse en chemin de fer.

Depuis une semaine nos maisons reçoivent de nombreux chocs.

Mardi 7 décembre

 Des prisonniers russes travaillant près du front se seraient évadés. Le sort de ces malheureux est affreux. Les Méninois s’ingénient à leur faire parvenir quelques vivres en cachette. Ils emploient des vraies ruses d’apaches.

Mercredi 8 décembre

On raconte que les allemands ont tenté la semaine dernière une attaque pour Ypres. L’affaire devait se conclure en ¼ d’heure mais prise de flanc par les alliés, l’offensive échoue. Voici du moins ce que les officiers rapportent

Jeudi 9

Le change du papier monnaie est de 28%. On en a trop fait, personne n’en veut.

Samedi

Nous assistons de nos fenêtres à une revue du régiment  de retour d’une marche. Comme toujours le pas de parade amuse les Méninois. Pas un bambin qui ne s’exerce à jeter ses petites jambes de ce mouvement d’automate si curieux qui les fait ressembler à de vrais pantins.

Albert paie aujourd’hui son amende . On peut enlever une certaine quantité de matières premières, peu de chose malheureusement de l’usine d’Halluin.

Lundi 13 Décembre

Après trois semaines de démarches, Jean obtient un passe port pour Courtrai. La voiture qui doit le ramener manquant de moyen d’éclairage, il s’offre le plaisir de subtiliser une bougie à un break d’officiers et ce au nez et à la barbe du conducteur. Tous les voyageurs sont fouillés au retour.

Mardi 15

Il se confirme que le XVème Corps d’armée quitterait la ville.

Une fois de plus la Commandanture vient s’informer du nombre d’officiers et de lits pour officiers de la maison, puis un nouveau papier collé à la porte informe les passants que le dit quartier renferme une chambre à l’usage de l’armée occupante.

Jeudi 16

Les enfants âgés de plus de 6 ans doivent dorénavant être munis d’une pièce d’identité. Guiguite aura la sienne.

Raison : l’unique, l’universelle, celle qui sert de prétexte à toutes les rigueurs : l’espionnage.

Mercredi 22

Deux sous off , ayant occupé la nuit passée une chambre trouve ce matin le lit envahi par les poux.

La Commandanture avertie envoie le service de désinfection ; sont en mesure d’exterminer rapidement ces « indésirables « .

Vendredi

Les Méninois constatent depuis quelques temps une notable diminution dans l’ordinaire des officiers. Autrefois disaient-ils, songeant aux bonnes ripailles d’antan, «  ils coupaient un bœuf en quatre, maintenant ils coupent un hareng en deux ».

Tout exagéré que soit le propos, il renferme tout  de même une petite part de vérité.

Samedi 25

Quatre obus sont tombés entre Werwicq et Menin.

Lundi 27

Le départ du XV Corps s’effectue vers Audenarde. Notre officier nous quitte emportant nos draps de lits.

Un ss.off vient loger pour une nuit.

Emprisonnement de Mr Bernaert.

Mardi 28

Grand passage de troupes, munitions, canons, chariots toute la journée.

Hier soir, grosse émotion !

Nous venons de gagner notre chambre lorsqu’une très violente secousse ébranle tout à coup la maison, il semble que la fenêtre doive voler en éclats. L’idée d’un bombardement nous vient aussitôt à l’esprit et tout le monde fuit à la cave.

La détonation n’étant suivie d’aucune autre, la frayeur heureusement s’apaise vite.

Ce matin on apprend qu’un dépôt de 34 000 grenades a fait explosion à Comines tuant 300 soldats .

Mercredi

Je vais à la Commandanture réclamer mes draps que l’ordonnance a par erreur emballé au lieu de ceux de l’officier, de misérables draps usés.

Aujourd’hui vraie pluie de bombes. Plusieurs à la gare, chaussée de Moorscele, porte de Bruges, etc

Huit avions alliés survolent la ville et toute la journée le défilé des troupes continue. Arrivée du 125, départ du 126 du 80 avec chariots , canons.

Jeudi 30 Décembre

Le XIII Corps remplace le Xvème.

On emballe tout le matériel de bureau chez mes beaux parents. Les nouveaux bureaux arrivent .

Vendredi

31 Décembre

 Ce matin, il était environ sept heures , je me disposais à me lever lorsqu’une terrible détonation bien plus forte que celle de mardi vient à nouveau nous remplir d’effroi.

Frappés de stupeur, nous restons un instant sans faire un mouvement . Jean s’attend à recevoir le plafond sur la tête, moi entendant à la suite du coup une sorte de crépitement à voir les flammes d’un incendie jaillir dans la chambre.

Passé ce premier émoi, nous ne songeons qu’à fuir à la cave emportant les enfants. Partout nous marchons sur les débris de verre. Les lanterneaux de la cuisine et du corridor  sont à terre, le vitrail de la salle à manger est en pièces, les fenêtres de la salle d’enfants et d’autres chambres ont des vitres brisées.

Jean Marie dont la chambre à coucher n’a pas un carreau intact descend tranquillement en criant «  Kent Kent «  et dans la rue, les trottoirs sont couverts de débris de glace.

Cette fois, c’est le dépôt de munitions situé à Halluin à 2km ½ d’ici qui a sauté. On annonce le départ des bureaux à peine installées. La peur des bombes probablement.

Départ du lazaret de l’hôpital.

Départ des généraux.