Lundi 1er Janvier 1917 | Coups de fusils à minuit pour fêter le nouvel an. L'année dernière, c'était le canon du front qui remplissait cet office. A onze heures ( minuit heure allemande ), il gronda 1/4 d'heure. A 12h, le canon anglais saluait de même la nouvelle année. Ce soir notre officier nous envoie par écrit ses souhaits d'heureuse année : " Heureuse année !"... C'est bien sombres qu'ils s'annoncent ces douze mois de 1917 . Que nous réservent-ils ? La conclusion de la Paix ou de nouvelles épreuves ? La note juste nous a, je crois été donnée par notre présidente de St Vincent de Paul: " Mesdames nous a-t-elle dit, je vous souhaite une bonne année et pour vous certainement cette année sera bonne car le bon Dieu vous y donnera l'occasion de beaucoup souffrir pour Lui." Voilà des paroles chrétiennes mais combien peu parlent ainsi et songent à offrir leurs souffrances au ciel en expiation de leurs fautes et de celles de leurs compatriotes. |
Mardi 2 Janv | Annonce d'un casino chez Juliette. Charmante perspective ! |
Mercredi | Un ouvrier nommé Cornélis étant atteint de pleurésie , le Dr Raverschot lui délivre un certificat attestant qu'il est incapable de se rendre au travail. Les docteurs sont appelés à lal Commandanture où on leur signifie de n'avoir plus à donner des certificats de ce genre. Les ouvriers qui refusent le travail aux allemands sont mis au cachot , pain sec et eau. |
Jeudi | On apprend que le Général résidant à Roulers aurait profité de faire évacuer la ville en huit heures, la trouvant trop près du front. Le Commandant de place s'y serait opposé, l'affaire aurait été portée à Uhielt qui aurait donné raison à ce dernier . Voilà qui est rassurant pour Menin, situé à peu près sur la même ligne que Roulers.. |
Vendredi 5 janv | Affiche annonçant la réquisition des métaux : cuivre, étain, nickel etc.. Les allemands offrent de payer 1fr 50 le kg... Grand merci !... et menacent de 10 000 m d'amende ou de 5 ans de prison ceux qui ne livreraient pas les pièces désignées... En avant, les bonnes cachettes ! |
Samedi | Visite à Menin du bourgmestre de Comines qui se plaint du manque de lait pour la population. Les allemands ont réquisitionné tout le bétail ; 70 litres de lait seulement
sont distribués par jour à toute la ville. C'est la mort des tout petits. Départ du bureau chez maman. Départ des troupes séjournant en ville. Départ que personne ne regrettera car elles renfermaient pas mal d'audacieux voleurs dont les commerçants ont eu à se plaindre. |
Dimanche 7 | Combat d'avions . Vers sept heures forte secousse. Violents coups de canon depuis plusieurs jours. Les attaques au front augmentent d'intensité dit-on. |
Lundi | Aujourd'hui jour fixé pour la livraison du cuivre. Nous apportons un bol et un cendrier, plus les plateaux de la balance et un porte parapluies..... qu'on nous rend !. Le Commandant de Place et Schmidt font ce matin irruption dans l'usine afin d'y préparer un logement pour les troupes. Albert fils les aperçoit le premier. Enfin, dernière et troublante nouvelle, on apprend que tous les civils allemands doivent se tenir en alarme, leurs malles prêtes à être bouclées tous les soirs. |
Mardi | Le sonneur public annonce par les rues que la quantité de cuivre remis aux allemands est notoirement insuffisante. Des perquisitions seront faites en ville et le cuivre ne sera plus payé....Ce qui nous est égal !. |
Jeudi | Un homme p. (sic). Nouveau bureau chez mes beaux parents. |
Vendredi 12 | Violente secousse cet après midi. |
Samedi | Nouvelle sonnerie pour le cuivre. |
Dimanche | Une nouvelle affiche annonce que 25 bouteilles de vin seulement par famille peuvent rester en possession des Meninois qui.... ne s'énervent pas pour si peu et envoient le produit prohibé rejoindre dans les innombrables cachettes : pommes de terre, beurre, oeufs, chicorée, etc, etc. Cette après dinée , conversation à travers les fils de fer avec Mme Dhonger d'Halluin qui compte partir prochainement pour la France par les trains d'évacués. Cette personne passera par Paris et donnera ainsi à mes parents de nombreux détails sur notre vie ici. |
Mardi 16 | Un soldat allemand vient enlever aujourd'hui notre chaudière à lessive en cuivre. |
Mercredi | De nombreux habitants de la rue de l'agneau sont emprisonnés aujourd'hui pour n'avoir pas livré suffisament de pommes de terre. Je signale ce fait aujourd'hui mais c'est de l'histoire courante. |
Jeudi 18 | Les vivres fournis par le ravitaillement sont notoirement insuffisants. On ne délivre plus depuis longtemps de pommes de terre. Jean, les enfants, attrapent des furoncles dus nous dit le docteur à la mauvaise qualité de la nourriture. Chez les ouvriers, l'on se couche à six et sept heures du soir pour tromper la faim et économiser l'éclairage. Les médecins de la ville ont fait à ce sujet une démarche collective à la Commandanture. Ils n'ont rien rien obtenu du tout. |
Dimanche 21 | Prix des vivres à Tourcoing : |
Jeudi 25 | Visite d'avions anglais. Un avion, lequel ? prend feu et tombe à pic sous nos yeux. |
Vendredi | Depuis plusieurs jours, il gèle, il gèle à pierre fendre, chose rare ici. Hier le thermomètre enregistrait 12 degrés sous 0. La Lys se prend et les pauvres gens manquant de charbon souffrent beaucoup du froid. Le froid, la faim, c'est complet . . |
Samedi | Lu hier un article sur la hausse effrayante des tissus encore plus sensible à l'intérieur du pays qu'ici. On préconise comme ressource suprême la sortie des fonds d'armoire. C'est ce que l'on fait. |
Dimanche | Pas de sermons aux messes aujourd'hui en raion du froid. Les allemands ayant fait main basse sur les deux grands poêles de l'église ; la température y est glaciale et l'eau est en glace dans les bénitiers. |
Lundi 29 | Le comité délivre pour 0,30 de marchandises par personne cette semaine, le beurre se vend 18 frs le kg, le lait est quasiment introuvable. C'est dire combien les tables méninoises ont piteuse apparence. On pourrait faire un recueil de " recttes de guerre" mises en exécution ici. Le beurre quand on le trouve trop coûteux, simplement allongé d'eau, se fabrique grâce à une pâte de farine, eau et sel et dans lequelle le beurre , le vrai, entre en très petite proportion. La bière est de l'avis des brasseurs eux-mêmes incapable d'enivrer un homme. Le café s'obtient en torréfiant soit du froment, soit du seigle . On fait des mayonnaises qualifiées d'excellentes en assaisonnant copieusement une épaisse sauce blanche d'eau et de farine. Nous recouvrons les tartines des enfants d'un sirop de betteraves qui a au moins un mérite, celui d'être naturel. Et ainsi de suite.. Un bon point cependant à la céréaline ( produit américain) avec lequel on fait des galettes et des beignets excellents, malheureusement le comité seul en délivre et en petite quantité. |
Mardi | Ce soir les becs de gaz se sont éteints avec ensemble, au salut . Hier même, incident chez Mme Vandalle. Manque de charbon probablement .. |
Mercredi 31 janvier | Le froid continue à sévir, le combustible fait défaut. Que faire pour se réchauffer ? Patiner ! et l'on patine avec fureur. J'ai pris aujourd'hui ma première leçon qui m'a donné bien envie de continuer ce joli mais peu sûr exercice. La Lys est complètement gelée. On la traverse à pieds secs. Les fraudeurs s'en donnent joie ! Nous pouvons aujourd'hui aller chercher enfin ! notre ration de pommes de terre : 1500gr par personne et par mois et pas de riz depuis des semaines au comité. Les pauvres gens doivent vivre de tartines de pain gris et de café noir.. Et quel café ! . |