Le Sire de Coucy en Alsace
Enguerrand VII de Coucy est le dernier d’une longue lignée de seigneurs de l’Aisne. Grands serviteurs des rois de France, les Coucy sont réputés pour l’énorme forteresse qu’ils ont bâtie et pour leur fière devise.
Enguerrand VII de Coucy
Pourquoi l’Alsace ?
A
son retour de Savoie, Enguerrand ne se contente plus de ses vastes
domaines français et anglais. Il lorgne sur l’Autriche.
Sa mère était princesse autrichienne et avait été
écartée de la succession d’Autriche au profit de
ses frères puînés. Enguerrand entend prendre
possession de son héritage. L’Autriche est son but, et
l’Alsace a le tort de se trouver sur son chemin. Le Sire de Coucy en Alsace
L’armée
levée par Enguerrand est considérable. De 60.000 à
100.000 hommes selon les chroniqueurs de l’époque. Les
Compagnies, certes, mais aussi une part importante de la noblesse, le
comte de Meaux, Pierre de Bar, le Baron de Péronne... Comme
leurs prédécesseurs, les ‘Engenlender’,
les Anglais ainsi que les nomme notre chroniqueur le
bon Koenigshoven,
passeront par le Col de Saverne pour atteindre Strasbourg. Cette première vague ne dure que quelques semaines. Enguerrand, avec sa cavalerie, rejoint alors ses troupes qui l’avaient devancé et les entraîne au delà du Rhin, vers son but réel, l’Autriche. (Selon Gyss, qui ne cite pas ses sources, les Villes et l’Evêque ont fini par céder et ont payé un tribu pour le départ des Compagnies. Specklin confirme et parle de 3000 florins). Dans ses chroniques, Koenigshoven orthographie Coucy : 'Kussu’. Outre les exactions cruelles, l’ harnachement des ‘Engenlender’ semble l’avoir surpris, comme en témoigne ce court extrait des Chroniques.
On les aurait pris pour les bandits ou des meurtriers, et c’est ce qu’ils étaient ! Ils assassinaient tous les gens qui étaient pris et qui n’avaient rien à leur donner. Parfois, ils laissaient partir des gens, puis ensuite, ils les rattrapaient et les étranglaient. Leurs vêtements étaient longs et précieux. Leurs chapeaux ronds portaient comme un bouton et ils avaient de grandes capuches à pointe qui étaient bien larges. Leur vaisselle et leurs gobelets étaient en argent. Mais les pauvres, eux, ils allaient pieds nus et mal vêtus . Et quand ils attrapaient de jeunes garçons, ils les gardaient auprès d’eux pour les servir. Chroniques de Koenigshoven La fin de la campagne du Sire de Coucy. Enguerrand ne s’intéresse pas aux villages alsaciens, il passe donc rapidement le Rhin pour attaquer les Autrichiens. Le Duc Léopold ne tient pas à se mesurer à une telle armée, il choisit, au début de l’hiver, la tactique de la terre brûlée. Les villages du Pays de Bade sont vidés de leurs réserves, le bétail est mis à l’abri, le fourrage est brûlé sur place. Les troupes d’Enguerrand avanceront jusqu’au Danube sont rencontrer la moindre résistance, mais sans pouvoir se ravitailler. La campagne d’ Enguerrand de Coucy tourne au désastre. L’ordre de repli est donné, mais les Villes Suisses, alliées de Bâle, entrent dans le conflit, et les français essuient revers sur revers. Ils sont assiégés dans un couvent, Frauenbrunn, qui est incendié par les Suisses. C’est la fin, Enguerrand a subi d’énormes pertes et doit se replier en Lorraine. Il rentre avec les débris de son armée et la confusion de son échec. ![]() C’est sans doute en pensant à cette chevauchée infructueuse qu’ Enguerrand de Coucy fondera quelques années plus tard l’Ordre de la Couronne, un ordre de chevalerie dont le symbole sera une couronne renversée. Image réaliste de son rêve autrichien.
Malgré
cette campagne calamiteuse, le Sire de Coucy reste un homme de guerre
reconnu à la cour de France. A la mort de Du
Guesclin,
le roi de France lui propose le poste de connétable.
Enguerrand décline l’offre au profit d’ Olivier
de Clisson.
Sans doute, son attachement à l’Angleterre… L’équipée d’ Enguerrand, vue de France Contemporain d’Enguerrand, Jean Froissart est le chroniqueur attitré de la cour de France. Dans les chapitres 386 et 388 de ses chroniques, Jean nous rapporte l’expédition du Sire de Coucy. Cette lecture est fort instructive, bien différente des textes alsaciens, autrichiens ou suisses. Voici les points qui nous ont marqués.
‘ Toutes fois au passer et à l’entrer en Aussay ils furent assez courtois ’. Les habitants de Wangen apprécieront !
'Et comment ! disent-ils, est telle chose la duché de Osteriche ? Le Sire de Coucy nous avoit donné à entendre que c’étoit l’un des gras pays du monde et nous le trouvons le plus povre : il nous a déçu laidement. Si nous étions de là cette rivière du Rhin, jamais nous le pourrions repasser que nous fussions tous morts et pris, et en la volonté des Allemands, qui sont gens sans pitié. Retournons, retournons en France, se sont mieux nos marches ; mal-de-hait ait qui ira plus avant !’
Le chroniqueur rapporte fidèlement le récit d’Enguerrand. Il ne semble pas connaître la défaite infligée par les Suisses et les Autrichiens aux Français au couvent de Frauenbrunn. Ou alors, en bon courtisan, le Sire Froissart préfère pêcher par omission.
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