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Les Enguerrand dans l'histoire européenne.
Du Sire de Coucy au Connétable de France
Pourquoi l'état de ruine humilie notre mémoire commune .
Petite réflexion sur ce qu'est la noblesse !

La forteresse de Coucy n'est pas sortie de terre n'importe où, ni n'importe comment , sans date ni écrit.
Elle se situe sur le chemin de Clovis, à quelques lieues de Soissons qui abritait les forces romaines , en surplomb de l'Oise, l'Ailette, près de la Somme et de l'Aisne.
Quand Clovis l'attribua à l'évêque de Reims Saint Rémi, il ne faisait que confirmer dans l'histoire la place centrale du Saint et du lieu.
Les fouilles et les archives témoignent que ce promontoire était peuplé et bâti en dur depuis les tout premiers siècles . Les Mérovingiens, puis Charles Martel, eurent là un point d'ancrage qui trouvera, avec Charlemagne et les Capétiens, une dimension stratégique sur la carte d'un domaine élargi préfigurant l'Europe d'aujourd'hui .
Parce qu'il n'existe pas de monument sans des hommes courageux profondément attachés à la terre, à la lignée et au peuple dont ils sont issus, la seigneurerie de Coucy agrégea les liens familiiaux des lignées royales et naturellement Enguerrand III en faisant ériger, en quatre années, la formidable forteresse savait bien ce qu'il disait ;
Ni roy, ni prince,
ni comte, ni duc aussi,
suis sire de Coucy !

Cet emblème était déja celui de son aîeul,et marquait de l'ambition et de la fièrté, mais il n'y avait aucune volonté de rivaliser avec le pouvoir royal comme se plaisent à penser certains historiens .
Lorsque, usant de son droit seigneurial de lutter contre le braconnage, son fils Enguerrand IV fit tuer trois jeunes chevaliers, Celui-ci sera le premier haut seigneur puni par le Roi Saint Louis, qui, par là, fit entrer dans l'histoire du monde le droit de recours des victimes auprès d'une instance d'appel, la plus haute, celle du Roi .
Enguerrand IV se soumit à la condamnation, paya une énorme indemnité, parmi laquelle se trouve l'obligation de fonder une abbaye, ce qui fut fait à Nogent sous-Coucy et aussi celle de partir en croisade pour expier sa faute .
Ce seul fait historique oblige tous les citoyens d'aujourd'hui car ce procès marque l'extinction définitive de la justice unilatérale , sans recours et sans droit écrit , celle unanimement acceptée maintenant .
L'abbaye ..................................................................en feu ... lors de la retraite allemande de 1917

Le procès d'Enguerran de Coucy

d'après la chronique de Primat 1259


« Bien qu’il [Enguerran de Coucy] fût homme de si noble parage que tous les plus nobles princes du royaume lui appartenaient par lignage, il dut à la fin racheter sa vie en donnant de sa monnaie aux pauvres, parce qu’il avait forfait en la mort des enfants qu’il avait fait pendre.
Car trois nobles enfants de Flandres étaient en l’abbaye de Saint-Nicolas-au-Bois, qui avaient été envoyés là pour apprendre le langage de France : lesquels, comme ils allaient s’ébattant et jouant et -comme certains racontent- en tirant avec arcs et flèches les lapins parmi les bois du sire de Coucy, furent trouvés et pris par les forestiers. Et quand ils les eurent menés en prison, les sergents rapportèrent au seigneur ce qu’ils avaient fait. Et le seigneur tantôt, sans connaître la cause ni l’âge, donna sentence qu’ils soient pendus, et les fit pendre.
Sur ces entrefaites, l’abbé de Saint-Nicolas, en la garde duquel ils étaient, et Gilles le Brun, connétable de France, du lignage duquel on disait que l’un des enfants était, apportèrent à grande instance la complainte au roi.
Et donc le roi fit appeler pour cette chose le sire de Coucy à la cour, pour répondre sur le cas de si grande félonie. Lequel, venu en la présence du roi, dit qu’il ne devait pas être contraint à répondre, mais devait être jugé selon la coutume par les pairs déjà mis en avant devant la cour, la terre de Boves et de Gournay, qui avait été divisée par partie de frères, emportait la seigneurie de la baronnie – et donc le négoce pendant un tel état – le roi fit prendre le seigneur de Coucy, et non par les pairs ni par les chevaliers, mais par les valets de la salle, et le fit mener au Louvre en prison et le fit garder.
Et il établit un jour où tous les barons seraient là. Il fit donc assembler tous les barons. Et quand ils furent assemblés, il fit amener le seigneur de Coucy au milieu de tous ; et donc le roi le contraignit à répondre sur le cas susdit.
Et donc, avec l’accord du roi, il assembla en son conseil tous les barons de son lignage ; il y eut là si grande noblesse de son lignage que le roi demeura presque tout seul, hormis son conseil. Car le roi ne savait pas qu’il y en eut tant qui fussent de la suite de sa parenté.
Et c’était le soin du roi de juger le juste jugement sans fléchir, au point qu’il fut puni d’une telle peine et condamné à une mort semblable. Et fut à grand-peine décidé avec le roi, par les prières et les requêtes des barons, qu’il rachèterait sa vie de dix mille livres environ, et qu’il ferait faire deux chapelles pour les âmes des enfants, où l’on célébrerait tous les jours la messe.
Mais ce véritable ami et cultivateur de droiture, à savoir Louis roi de France, ne mit pas cette monnaie en ses trésors mais répartit tout en œuvres de piété. Par ce pécule, il accrut les rentes de la maison Dieu de Pontoise, et fit faire les écoles et le dortoir des Jacobins, fit l’église des frères Mineurs de Paris, qu’il accomplit dès les fondements toute entièrement.
Et cette chose fut grand exemple de justice aux autres rois, que ceux qui étaient nés de si nobles lignages et qui étaient ainsi accusés comme des pauvres et simples gens de telle félonie parmi les siens si nobles doivent à grand-peine trouver remède de leur vie. »



La forteresse du début du 14ème siècle a placé la lignée au firmament des fortunes européennes et si les Enguerrand suivant figurent pour des faits moins glorieux dans notre histoire, leurs pages ne sont pas sans intérêt car les grands seigneurs avaient aussi des dons de poésie et d'urbanité, même si ceux-ci s'avèrent très éloignés des canons d'aujourd'hui .Raoul II, fils d'Enguerrand III, dans un temps de paix sous les règne de Saint Louis, composa des chansons . .
C'était une manière de chevalerie, galanterie et création que la modernité contemporaine valorise .
la dimension européenne des Coucy apparaît clairement avec Enguerrand VI et Enguerrand VII, le dernier de la lignée .
La coutume bien ancrée dans la société médiévale chrétienne donnait au mariage une fonction sublime de pacification et d'unification; forme la plus intelligente de la diplomatie.
Souvent très bénéfique, mais pas toujours, elle fut l'inspiratrice qui initia l'union d'Enguerrand VI avec la fille du roi Léopold II, roi des romains ,( c-a-d des parties sud du Saint Empire) lui même fils d'Albert 1er de Habsbourg .
Sa fille Catherine fut la mère d'Enguerrand VII qui fit inclure les armes des Habsbourg das celles des Coucy .
Du fait des vies courtes et de la mortinatalité, Enguerrand VII devint l'héritier légitime des terres alsaciennes du sud .
Celles-ci par le mariage de Jeanne de Ferrette en 1324 avec un descendant d'une branche Habsbourg moins proche de Léopold furent naturellement convoîtées par Enguerrand dont l'Empereur en titre reconnaissait la légitimité.
La force militaire considérable: 30 000 hommes; 15 000 chevaux disent certains chroniqueurs, ne suffit pas cependant à mater les habitants d'Alsace forts d'une unité de pensée avec les Suisses et avec les pays germanophones du voisinage;
Enguerrand n'insista pas, ne freina guère ses troupes dans leurs pillages, puis alla servir, en mercenaire avisé, d'autres grands seigneurs d'Europe .
Enguerrand VII, qui est le sujet principal de l'ouvrage de Barbara Tuchman : The distant Mirror, est un être prodigieux, célébré par l'Europe tout entière pour ses capacités de commandement et de guerre militaire.
Le Roi de France souhaita lui conférer le titre de Connétable .
Même le Pape et d'autres souverains s'accordaient pour cette promotion qu'il refusa par crainte de s'éloigner encore des affaires de son domaine de Coucy .
Il accepta cependant de diriger une croisade contre les pirates barbaresques à la demande de la duchesse de Bougogne .
Cette croisade en Europe du Sud s'achèva en Bithynie ( partie de la Turquie sur le bosphore) où il trouva la mort

De son long séjour en captivité, subsiste la " coupe du site de Coucy" qui était au Musée national de Syrie à Damas .Une page en lien permet de découvrir cette relique et d'autres objets lointains manifestant de l'importance de Coucy loin de nos frontières .

Par toute son aventureuse vie mais aussi pour la charte qu'il octroya aux gens du pays pour leur plus grande prospérité et sécurité, il est un exemple à donner pour toutes les générations .
Exemple bien meilleur que celui imposé par Doumer dont l'objet cache surtout la valeur pitoyable des chefs militaires et politiques qui, au 20ème siècle, seront à l'origine de l'état de ruine .
Les Enguerrands sont aujourd'hui sans sépulture, sans château et aux abonnés absents de l'instruction publique .
Les enfants de France et d'ailleurs mèritent mieux et le miroir distant de Barbara Tuchman est là pour nous faire réfléchir !

Le XIVème siècle mérite, comme le donjon, d'être réhabilité dans les livres d'histoire, dans nos chaires d'universités, pour la bonne connaissance de notre civilisation . En dépit de la peste noire, des jacqueries et de la pression extérieure ottomane, la France, qui n'était qu'une petite composante d'une Europe en quête d'élle-même, vera éclore

la poésie et la musique de Guillaume de Machaut,(contemporain d'Enguerrand VII), qui sont autant de merveilles intemporelles .
(Cliquez pour écouter)

Que dire aussi des merveilles d'Italie, d' Allemagne et ailleurs ; partout produites pendant ce siècle décrit comme "noir et funeste "?.


La première charte connue de Raoul 1er conservée par la Duchesse du Berry ( 1150)

Raoul de Coucy, ses chansons et la fabuleuse histoire de la dame du FAYEL

Lien pour découvrir la campagne de 1377 d'Enguerrand VII dans l'histoire de l'Alsace rédigée pour Louis XV à la suite de l'annexion de l'Alsace à la France !

Comment Altkich, Ferrette et le Sundgau célèbre encore aujourd'hui la décision de Enguerrand VII de mettre un terme à son occupation armée .

La campagne d'Enguerrand VII en Alsace , vue par les Alsaciens .