Raymond Delmotte, s. d. (1944)Source : APR Dossier Résistance Né le 19 Novembre 1894 à SAINT-QUENTIN (Aisne) Commandeur de la Légion d’Honneur (Avril 1937) Croix du Combattant 1914-1918 Lieutenant-Pilote de réserve de l’Armée de l’Air Titulaire de 5 records du monde de vitesse, a été le premier pilote à dépasser les 500 kms à l’heure, en avion terrestre, en 1934. 2 descentes en parachute, à la suite de rupture d’avion en vol dont le dernier en 1937 à 630 km/heure, au cours d’une tentative contre le record du monde de vitesse, détenu par l’Allemagne. 6300 heures de vol, pour la plupart en essais d’avions prototypes. A donné le meilleur de lui-même à l’aviation française. S’est dévoué sans compter pour la cause des Ailes Françaises depuis son entrée dans l’Aviation en 1913. Volontaire en 1939 à la déclaration de la guerre, il a été maintenu mobilisé à la Société des Avions Caudron, en qualité de Lieutenant-Pilote. A l’Exode de JUIN 1940, a emmené, par étapes, 32 avions non terminés avec quatre de ses Pilotes, ainsi que 40 mitrailleuses et munitions, pour sauver ce matériel de l’emprise allemande, matériel qu’il a livré à BORDEAUX, aux Autorités Françaises, à la veille de l’Armistice. Après l’Armistice de JUIN 1940, DELMOTTE rejoint, sur ordre la Direction de la Société des Avions Caudron à VICHY qui obtient du MINISTERE de l’AIR une lettre, en date du 25 Juillet 1940, pour terminer 300 GOELANDS, et réintègre l’usine d’Issy-les-Moulineaux ainsi que 200 ouvriers, pour remettre l’usine en marche. Arrivé à Issy-les-Moulineaux, DELMOTTE se heurte aux Allemands qui occupent l’usine et comprend que, malgré la lettre du Ministère de l’Air, la production sera destinée aux Allemands. Il réintègre son domicile à ST REMY LES CHEVREUSES, conscient de ne pas travailler pour les Boches. Un matin d’Août 1940, les Boches se rendent au domicile de DELMOTTE à ST REMY, et le prient de les accompagner pour effectuer un vol à VILLACOUBLAY sur un GOELAND, laissé intact par les Français, à la Section Ministérielle. DELMOTTE , originaire de l’Aisne, élevé avec la haine du Boche par son père qui, en 1870, âgé de 13 ans, avait vu ses parents subir les outrages de la botte allemande, puis en 1914 devait subir à nouveau avec ses enfants, pendant trois années l’occupation ainsi que les infamies teutonnes (Delmotte alors âgé de 19 ans, était au front avec 2 de ses frères et 2 de ses beaux-frères), résiste à la pression des Boches. Les Allemands le requiert et, après une longue discussion, il est obligé de céder sous la menace. Il est emmené à VILLACOUBLAY et effectue un vol, accompagné de 2 officiers allemands en armes. Puis, quelques jours plus tard, il est prié par les Allemands de se rendre à l’usine CAUDRON à Issy-les-Moulineaux pour réceptionner des avions GOELANDS. DELMOTTE refuse de voler avec les croix gammées, ce qui déclenche une nouvelle indignation des Allemands. Il gagne du temps car la décision doit venir de BERLIN et, en attendant, aucun avion ne sort de l’usine. DELMOTTE rentre chez lui. Il dit à sa femme : « Je m’attends à être arrêté d’un moment à l’autre, car j’ai refusé de voler sur un GOELAND avec des croix gammées ». C’est pour lui le premier sabotage et le premier stade de la résistance au péril de sa liberté. Les Allemands cèdent et DELMOTTE est autorisé, après 15 jours d’attente, à voler sans les croix gammées (témoins : MM. ASSELOT, BOURRIER, ZORN, CLIDIERE, etc…). Il lui est alors précisé que toute fuite en avion serait sanctionnée et entraînerait pour sa femme et sa famille des représailles et que, éventuellement, celles-ci seraient prises comme otages. C’est alors que germe dans son esprit l’idée de se faire prendre en France par un avion anglais et de gagner l’Angleterre. Mais l’exploit, si simple qu’il paraisse, devient un problème. Dès lors le problème posé, il reste à le résoudre. Il fait part de ses intentions à CLEMENT et FOUQUET qui, tous deux pilotes à la Société des AVIONS CAUDRON, partagent sa décision. Il fait également part de son projet à PICARD et quelques temps après, vers mars 1941, PICARD le présente à un de ses amis, susceptible de les aider à mettre leur projet à exécution. Ils font la connaissance de Félix qui est en relation avec Londres. Félix accepte de servir d’intermédiaire et pose la question à Londres par radio. Londres demande les noms des Pilotes et, à la grande surprise de ceux-ci, il leur fut répondu que leur demande serait prise en considération, mais que, pour le moment, le besoin de Pilotes ne se faisait pas sentir et que seuls les mécaniciens les intéressaient. Néanmoins, ils sont sollicités pour servir d’agents de renseignements et ils acceptent, en attendant, une autre solution. DELMOTTE fournit, ainsi que CLEMENT & FOUQUET, des renseignements d’ordre militaire et acceptent de rentrer, de plein pied (sic), dans les service d’espionnage et d’action, lorsqu’ils seront demandés par Félix, qu’ils considèrent comme leur Chef. Mais, un jour, grand émoi ! Le poste émetteur est détecté par les Allemands, l’opérateur est arrêté et le contact rompu avec leur Chef. Ils s’attendent à être arrêtés si le radio parle et cite des noms. Plus tard, ils apprendront que l’opérateur n’a donné aucun nom et qu’il a déclaré servir uniquement d’agent d’exécution, étant employé par un service qui lui est inconnu. Il continue, sous condition, à émettre pour les Allemands, ceux-ci dans l’espoir d’obtenir d’autres renseignements. Les 3 Pilotes se jurent, mutuellement, de ne rien révéler dans le cas de l’arrestation de l’un d’eux. DELMOTTE recherche une organisation clandestine susceptible de le faire passer en avion en Angleterre car la vigilance des Allemands n’échapperait pas à une absence prolongée et, en attendant, DELMOTTE continue des actes de sabotage de la production : refus d’avions au départ d’Issy-les-Moulineaux, pour des raisons diverses : manque de freinage mauvaise étanchéité des pare-brise, mise au point des trains d’atterrissage, mise au point des moteurs, mauvais fonctionnement des instruments de contrôle etc… et c’est alors que la mise au point d’un GOELAND muni d’un moteur RENAULT 12 cylindres dure plus d’un an et que 3 GOELANDS équipés de moteurs ARGUS, dont la mise au point a été retardée, ainsi que 9 autres avions GOELANDS dont la livraison a été également retardée, sont détruits dans le premier bombardement de l’Aérodrome des MUREAUX en mars 1943. DELMOTTE ne fournit aucun ouvrier pour le travail en Allemagne. Il intervient personnellement auprès des Autorités allemandes de SAINT-GERMAIN pour LE NY et DUFRAISSE, arrêtés pour vol d’essence aviation et dénoncés par des habitants des Mureaux pour troc de viande contre l’essence. Il est parfaitement au courant des faits, mais va, à plusieurs reprises, défendre auprès de la Feldgendarmerie ses deux ouvriers dans le but de leur éviter des peines graves et, ils ne sont condamnés respectivement qu’à 3 et 4 mois de prison. Il camoufle leur réintégration à l’usine, puis les reprend dans son service à l’Aérodrome, prenant à sa charge les risques d’une nouvelle enquête. A la suite du bombardement des Mureaux, DELMOTTE refuse de remettre l’Aérodrome en état, prétextant n’avoir aucun moyen d’action. Les Allemands opèrent eux-mêmes en désespoir de cause. La sortie des avions est ainsi retardée. FOUQUET entre en relations avec une organisation clandestine pour passer en Angleterre. Il promet à DELMOTTE et CLEMENT de les faire prendre. Il s’absente un mois. DELMOTTE est harcelé de questions par les Allemands et, en particulier, par un Contrôleur qui fait partie de la Gestapo. Il est considéré à ses yeux comme responsable de la présence du P.N. Il objecte que FOUQUET est fatigué et qu’il lui a donné un mois de repos. La tentative de FOUQUET échoue. Il se présente, après un mois d’absence, au Commissaire allemand et fait mine de s’excuser, mais, peu après, il entre à nouveau en relation avec une autre organisation et il part définitivement. Pour parer à sa fuite, DELMOTTE entre en relations avec le Service Médical de l’Usine et se fait envoyer une note de service dans laquelle il est précisé que FOUQUET déficient, a besoin d’un repos prolongé. DELMOTTE est à nouveau l’objet des attaques du Contrôleur allemand et de la Gestapo. Il est harcelé de questions pressantes, suivies d’une lettre adressée à la Direction de la Société des AVIONS CAUDRON, demandant la raison de l’absence de FOUQUET. Ne perdant pas un instant, une lettre, antidatée, fut expédiée à FOUQUET lui accordant le congé de 6 mois qu’il avait sollicité pour raisons de santé, et signé par le Directeur Général. Elle fut jointe au dossier de l’intéressé et un double fut fourni au Commissaire allemand. A la date d’expiration du congé de 6 mois, les Allemands adressent une nouvelle lettre à la Direction de la Société CAUDRON, lettre à laquelle il fut répondu qu’elle constatait elle-même que FOUQUET n’était pas rentré et leur confirmait la précédente lettre (… et d’attendre la réaction…). Entre temps, DELMOTTE soucieux d’être utile aux Alliés et de continuer la Résistance, entre, par l’intermédiaire d’un ami au (sic) D.G.S.S. où il fait un travail intéressant. Il fournit, fin 1943, des renseignements d’ordre militaire qui lui sont demandés par cette organisation. En Mars 1943, l’Aérodrome des Mureaux est bombardé et 8 avions, retardés de livraison, sont anéantis. Le terrain est rendu inutilisable. DELMOTTE refuse de s’installer sur un terrain près de MEULAN avec POTEZ, malgré l’insistance des Allemands. Il est mis en demeure d’installer un aérodrome à ELISABETHVILLE près de MANTES. Il traîne cette installation en longueur ; puis on lui impose celle de BEYNES-THIVERVAL qu’il accepte, mais avec l’aide de SONITAT ce terrain est reconnu impropre par les Autorités allemandes, et c’est alors que les Allemands ordonnent d’utiliser le terrain d’Issy-les-Moulineaux. DELMOTTE refuse à nouveau, objectant la proximité de l’usine et de l’Hôpital des Petits-Ménages. Les échanges de correspondance entre les Commissaires et la Société des AVIONS CAUDRON, n’aboutissent pas, mais les avions s’accumulent sur le terrain d’Issy-les-Moulineaux et nous acceptons enfin, pour ne pas courir le risque de faire bombarder Issy-les-Moulineaux, d’utiliser le terrain de BEYNES dont les hangars ne peuvent contenir que 4 avions et c’est à nouveau le freinage de la sortie des avions. Pas de compensation de compas et de radio-compas, lenteur des livraisons à VILLACOUBLAY puisque les militaires allemands ne peuvent utiliser le terrain de BEYNES, etc… Plus d’un mois de retard au moment où les Allemands ont besoin de matériel et, enfin, le sabotage de 3 avions qui n’ont pas pu partir d’Issy-les-Moulineaux, en accord avec MM. ASSELOT et FOURRE et qui ont été remis en état, en une journée, dès l’arrivée des Français à Paris. La grande activité de DELMOTTE dans les services de renseignements s’est manifestée dans le repérage des batteries de D.C.A. ennemies, mouvements de troupes, objectifs à bombarder, repérage d’avions sur les terrains, même éloignés, avec types d’avions et nombre, dépôts de carburant, ouvrages fortifiés, dépôts de munitions, quartiers généraux, postes de repérage, etc. Dans ces différents renseignements l’avion et la voiture lui ont été d’une aide précieuse. En avion, DELMOTTE n’a pas hésité à enfreindre les consignes de vol dictées par les Allemands pour répondre aux renseignements qui lui étaient demandés par ses Chefs du réseau du D.G.S.S. Son mécanicien FOURRE lui a été d’une grande utilité, ainsi que pour les renseignements concernant le rendement de certaines Usines. PICARD et RIOLFO de la maison RENAULT lui ont transmis des renseignements concernant les V-1 au début de l’incursion de ces engins sur l’Angleterre ainsi que sur les dépôts de carburants et sur l’habitation du Général ROMMEL. Au moment du débarquement ils lui ont fourni des renseignements sur les lieux de passage des chars « Tigre » après la destruction des ponts de la Seine, les Allemands utilisant la nuit les bacs et les ponts sur piles d’écluses. DELMOTTE depuis un an se préoccupait peu de ses occupations de l’usine CAUDRON mais s’adonnait corps et âme au Service de renseignements, puisque là était sa façon de combattre n’ayant pu arriver, malgré son désir, à réaliser son rêve : celui d’aller se battre dans les airs auprès de ses camarades aviateurs. Et un autre mérite : c’est d’avoir, grâce à sa Femme, une autre Patriote, évité la Gestapo car, à deux reprises différentes, le 17 et le 21 Août les Allemands se sont présentés à son domicile pour l’appréhender et sa Femme de répondre : « mon mari est resté en panne avec sa voiture à Paris : voyez le garage est vide, et il m’a fait prévenir par un ami qu’il ne rentrerait pas ». Et, ce n’est pas tout, il faudrait un livre. Ses actions philanthropiques, que tout le monde ignore sauf les intéressés et, il ne veut pas en parler : ses quelques 20 enfants de prisonniers et d’orphelin, à qui sa Femme prodigue ses bienfaits, ses filleuls prisonniers et sans compter les faux papiers qu’il a proposés aux réfractaires. Tous ces actes sont dignes et restent l’apanage d’un vrai Français. Il est resté pour que les autres puissent partir !
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