Carnet 2 de Mme Cappelle Louise née Denis pendant la guerre
                      du Vendredi 1er au Jeudi 27 septembre 1916                 

Vendredi 1er septembre De nouvelles troupes arrivent en ville qu'on prétend être composées d'anciens blessés revenant d'Allemagne. On reforme paraît-il des régiments.
Casino de 20 officiers chez mes beaux parents.
Dimanche 3 septembre Dix sept avions !
Pendant le tir, pluie d'éclats de schrapnells. Il en tombe sur les plates formes, dans le jardin !
Depuis des semaines, aucun passeport n'est plus délivré pour Courtrai,pas même aux messagers. Seul M Staes, chargé du ravitaillement, peut sortir de la ville accompagné d'un soldat. Les portes de notre prison sont bien fermées.
Mercredi Les allemands trouvent du caoutchouc dans l'usine Latour, l'associée d'Albert.
Jeudi Avions sur la ville . 2 bombes dans le bassin de la Lys. 2 au champ d'aviation d'Halluin.
Samedi Les Allemands fouillent l'usine Latour
Lundi Comme suite à l'affaire Latour, Albert paye 500 marks d'amende.
Dimanche 17 sept Histoire de monocles !
Les allemands ont un faible pour ce petit rond de verre, chacun sait cela !
C'est le summum du chic. Seulement le monocle est récalcitrant et ne le loge pas qui veut dans l'arcade sourcilliaire, de là de réjouissant essayages dans la boutique de l'oculiste, essayages suivis de nombreuses casses !
Mais que ne ferait-on pas pour éblouir les Meninois et parader le soir au Hohenzollengarten où l'éclat du verre fait si bien aux lumières ?
Malheureusement les monocles coutent cher et la bourse des nouveaux " lieutenants" n'est pas des plus garnie.
" Qu'à cela ne tienne dit la marchande puisque la question "vue " n'est pas en cause j'ai chez moi des verres de monte qui pourraient je crois faire l'affaire."
C'est un trait de génie et les disques de verre d'ancien modèle et dont la brave femme ne savait que faire s'enlèvent par douzaines et vont faire la joie des fringants lieutenants.
Mardi Bonne nouvelle ! Ce matin à 8 heures on vient annoncer à Maman le prochain retour de Papa.
Mercredi 20 sept Seconde dépêche confirmant la première.
Jeudi Nous vivons dans la fièvre de l'attente. Haussmann le chef de la police allemande déclare que Papa ne rentrera pas. Nous ne voulons pas ajouter foi à ses dires et nous gardons bien de les rapporter à Maman.
Vendredi Papa est de retour !!
Toute la famille est en fête. Maman rayonne ! son bonheur fait plaisir à voir.
Revivons ces heureux moments .
L'arrivée de Papa étant définitivement annoncée pour aujourd'hui, Albert et ses frères se rendent à la gare à l'arrivée du train qui très probablement le ramène ! Personne !
Tout décontenancés, ils nous rapportent la nouvelle lorsque Jules , le domestique, qui s'était attardé, accourt triomphant, brandissant une valise et criant . " Monsieur est à Menin, j'apporte se bagages ".
Tout le monde s'agite. Nos maris se précipitent à la rencontre de leur père qu'ils rencontrent sur la grand place, les Meninois joyeux sortent de leurs maisons pour le saluer. La rue s'emplit de monde et c'est une minute bien émouvante que celle où Papa franchit enfin le seuil de la maison. L'officier qui l'accompagne en a lui-même les larmes aux yeux.
Dans l'après dînée, nous faisons cercle autour du prisonnier vraiement très gaillard après de telles épreuves et tout émus nous écoutons un premier récit des durs moments qu'il vient de vivre.
On projette pour dimanche une fête du retour. Depuis des semaines, les enfants repètent chansons et compliments.
Dimanche 24 sept Encore une heureuse journée.
Papa et Maman réunissent tous leurs enfants présents à la table de famille. Les petits chantent gentiment le retour de Bon-Papa à qui l'on offre, oeuvre d'Anna et de Flore, un fort beau souvenir de ce jour.
Avions sur la ville, combat. 2 bombes sur les prairies en bordure de la Lys. Vaches tuées.
Lundi Le commissaire d'Halluin est déporté en Allemagne.
Mardi La nuit dernière explosion de grenades à mains.
2 ss off à loger pour plusieurs nuits.
Jeudi 27 septembre On apprend que l'explosion des grenades a causé 8 morts.