Site de la Famille Noël Fiessinger




Noël Fiessinger dans l'ouvrage sur les médecins résistants aux Nazis .
Xénophobe , antisémite et honoré pour sa résistance à l'occupant nazi... Cherchez l'erreur ?
XENOPHOBE ?












 La Grande Famille Médicale de MUTZIG : Les FIESSINGER.




par Julien Warter.



UNE GRANDE FAMILLE MEDICALE DE MUTZIG : LES FIESSINGER
Julien Warter


" Aime le métier que tu as appris et repose-toi sur lui. Pour le reste, mène ta vie en homme qui, de toute son âme, s'en remet aux Dieux, quand il s'agit de lui-mème, et qui ne se fait le tyran ni l'esclave de personne ". (Marc-Aurèle - Pensées Livre IV, 3], in " Les Stoïciens, collection de la Pléiade, Gallimard).

Les familles au sein desquelles des générations ont pratiqué avec talent et un engagement total, la même profession ou le même art et les ont fait progresser, suscitent toujours une attention admirative, principalement quand surgissent chez elles des êtres exceptionnels par l'esprit, l'imagination et les vertus morales. Cette transmission héréditaire de certains dons, qui sont l'honneur d'une famille, d'une cité et parfois de tout un pays, n'est pas fréquente. On s'interroge encore sur la nature de ce prodigieux phénomène. Est-il vraiment lié à l'hérédité et inscrit dans les chromosomes ?
S'agit-il au contraire d'une mutation soudaine, au hasard d'une lignée, et persistant quelque temps ?
Provient-il enfin d'habitudes, prises de longue date dans certains foyers, de discipline, de travail et de réflexion, qui deviennent ainsi de véritables règles de vie, s'imposant dés le jeune âge comme des obligations indiscutées et quasi-organiques? On l'ignore, comme on ignore encore la nature de l'étincelle qui en est l'origine et le moment de son jaillissement.
Le fait est qu'on peut le rencontrer dans toutes les classes de la société et quel que soit le métier considéré. Les familles paysannes sont sans doute, à cet égard, les plus anciennes ; nombre d'entre elles s'étendent sur des siècles. 11 y a d'autre part des familles d'artisans, de commerçants, d'industriels, où l'on accomplit longtemps la même tâche, de père en fils. Dans la plupart de ces cas, ce sont des habitudes ancestrales qui rendent compte de la persistance de la même activité durant des générations et qui aboutissent à la constitution de couches sociales solides, contribuant puissamment à la stabilité de l'Etat. Au surplus il n'en résulte pas forcément un climat accablant de routine, et effectivement, on observe de temps en temps, à la campagne, à l'atelier ou dans l'usine, des sujets qui ont le mérite d'innover et de proposer des méthodes ou des techniques nouvelles.
Mais le phénomène qui nous occupe, caractérise davantage par son ampleur et sa portée humaine, les domaines de l'esprit. Tout le monde connaît des familles, dont plusieurs membres ont honoré l'université. 11 en est de même dans les sciences. avec des noms très illustres, tels que les BERNOULLI, les CURIE, les PERRIN et on pourrait en citer bien d'autres. Dans le domaine des arts, le fait est peut-être plus connu, parce que plus frappant et en apparence plus accessible à la foule; il suffit de citer quelques noms pour s'en convaincre; en musique, ceux de COUPERIN, de BACH, en peinture, les BELLINI, les BRUEGHEL, les LE NAIN, les WATTEAU, les VAN LOO, les VERNET. etc.
En Médecine, le fait est assez fréquent et dans maintes familles, il est usuel que le fils devienne médecin, comme l'a été son père, si bien qu'on peut y voir se succéder ou coexister plusieurs praticiens. Pourquoi cette attirance pour la Médecine ? Les raisons en sont multiples : les traditions familiales, le goût de la liberté et de l'indépendance qui, lui, pourrait être héréditaire. DIEULAFOY disait qu'on ne saurait aimer la médecine sans aimer les hommes; c'est là un puissant mobile pour s'orienter vers elle. Nul ne connaît mieux les êtres humains qu'un bon médecin et nul n'a avec eux des échanges aussi étroits. Reste enfin le grand intérêt du métier : la variété des cas, la multiplicité des problèmes à résoudre, enfin le réel bonheur que procurent certaines guérisons, acquises au prix de grands efforts, de luttes et d'angoisses, qui sont autant de manifestations de la solidarité humaine.
Mais quoique cette profession n'exclue chez aucun de ceux qui l'exercent, l'invention ou la découverte, dont beaucoup de médecins ont le goût, il convient cependant de distinguer d'une part des familles de praticiens, dont le mérite et le rôle social sont indéniables, et d'autre part celles qui comptent dans leurs rangs des médecins éminents qui s'imposent par leurs qualités de clinicien, par leur enseignement et par leur contribution personnelle aux progrès de la science médicale. Ces deux types de familles ne s'opposent pas d'une manière absolue et certaines phases de leur évolution relèvent de l'un ou de l'autre. Il en a été ainsi d'une manière remarquable dans la famille de Pierre Fidèle BRETONNEAU, génie inventif extraordinaire, qui dans les premières décennies du siècle dernier a décrit le premier la fièvre typhoïde et la diphtérie, après avoir inventé l'allumette phosphorée, construit des thermomètres médicaux et créé le tube capillaire pour le vaccin anti-variolique, encore utilisé aujourd'hui. Or il était le 9ème médecin de sa famille (]778-l862),le premier, Jean BRETONNEAU, ayant exercé, en Vendée et en Anjou, au 16' siècle (Emile ARON: BRETONNEAU, le médecin de Tours; Edition CLD. 1979).
Certains traits de cette illustre famille médicale se retrouvent, mutatis mutandis, dans la famille FIESSINGER, à qui ces lignes sont consacrées.
Lorsque M. BERCHER m'a demandé le présent article, j'ai accepté cette mission sans hésiter, ayant bénéficié personnellement de l'enseignement du Professeur Noël FIESSINGER, au cours de deux stages que j'ai eu le privilège de faire à PARIS dans son service de l'Hôpital NECKER, en 1937 et 1938, avant mon agrégation. J'étais loin de me douter alors des difficultés de la tâche qui m'était confiée, qui exige avant tout des qualités et des habitudes d'archiviste que je n'ai pas ; le respect et la reconnaissance pour une personnalité telle que M. Noël FIESSINGER ne suffisant pas à eux seuls à faire assister le lecteur à l'ascension de sa famille.

Mon étude comportera trois chapitres, qui se rapportent aux premiers médecins de la famille FIESSINGER, à savoir:
I - Charles-Théophile FIESSINGER, le médecin de MUTZIG ,
II - Charles FIESSINGER, le célèbre praticien;
III - Noël FIESSINGER, l'éminent professeur et le savant.




1 - Charles-Théophile FIESSINGER. le médecin de MUTZIG (1811-1886)

La série des médecins de la famille FIESSINGER a été précédée par des hommes originaires de Strasbourg, socialement modestes. Frédéric-Louis a été tailleur. son fils Jacques-Samuel, infirmier-major à l'Hôpital Civil de Strasbourg. La longue vie de Jacques-Samuel, né en 1776, a été à la fois intéressante et mouvementée. II a assisté en effet à tous les bouleversements qu'a connus la France à l'époque, depuis la fin de la Royauté absolue jusqu'aux débuts du Second Empire. Il est décédé, en janvier 1858, alors qu'il avait 82 ans (son décès a été annoncé à l'Etat-Civil, par son fils Jean-Frédéric et par E. OLIVIER, confiseur, allié du défunt. Doué d'une grande vitalité, il a pris part, sans doute comme brancardier, aux Guerres de la Révolution et de l'Empire, et semble avoir été présent sur le champ de bataille de Waterloo (il aurait été également, en novembre 1812, à la Bérézina, mais ce fait n'est pas prouvé avec certitude).
Son épouse, Catherine Salomé Arnold, lui a donné trois enfants, tous nés à Strasbourg : Jean-Frédéric né en 1809, Charles-Théophile, né le 4.2.1811 et Caroline-Joséphine, née le 8.12.1812. Jacques-Samuel semble avoir acquis une certaine fortune, s'il faut en croire son acte de décès ou il est qualifié de propriétaire. Jacques-Samuel ne peut pas ne pas avoir été frappé par les carrières fulgurantes de certains de ses contemporains, la plupart d'humble extraction, tels que les généraux KELLERMANN père et fils, KLEBER et RAPP, les Maréchaux LEFEVRE, duc de DANTZIG et MOUTON, comte de LOBAU, ou encore REWBELL, à un moment président du Directoire. Pourquoi n'aurait-il pas caressé pour un de ses fils un rêve ambitieux, lui qui voyait en outre franchir le portail de l'Hôpital par les équipages des Médecins et des Professeurs de la Faculté, dont le prestige à ses yeux était de toute évidence considérable ?. (II a été, à une certaine époque, chargé de la Conciergerie de l'Hôpital. ce que le Professeur Noël FIESSINGER rappelait volontiers). Il me parait de ce fait vraisemblable. que l'orientation médicale des FIESSINGER a germé dans son esprit et que l'étincelle déterminante, à laquelle j'ai fait allusion plus haut, est partie de lui.
Son voeu s'est réalisé en la personne de son fils Charles-Théophile, qui s'est inscrit à la Faculté de Médecine et dont les études ont été couronnées par l'Internat des Hôpitaux. Chose curieuse pour l'époque, il s'est marié à 26 ans, le 8 juin 1837, avant d'avoir soutenu sa thèse, ce qui témoignait d'une véritable audace, vu qu'en ce temps le jeune époux devait presque obligatoirement avoir un métier. Il a épousé Pauline-Eugénie OLIVIER, fille d'Etienne OLIVIER, déjà nommé, deux de ses fils sont nés à Strasbourg avant son installation à MUTZIG : Lucien-Charles, futur capitaine de vaisseau, né en septembre 1838 et Paul-Frédéric, plus tard contrôleur des tabacs, né en 1843.
Il a soutenu sa thèse le 14 février 1840. L'ouvrage, fort bien rédigé, comporte 29 pages - il n'est peut-être pas sans Intérêt de noter que la thèse de son petit-fils Noël en a 322 - faites des réponses à quatre questions posées au candidat par la Faculté:
1) comment reconnaître le bioxyde de mercure:
2) des caractères microscopiques du lait:
3) diagnostic différentiel de la commotion, de l'épanchement et de la contusion du cerveau:
4) complication (sic) de l'épilepsie.
Autre particularité de ce travail: seules deux dédicaces y figurent. C'était alors l'usage, ceci a bien changé depuis.
La première " A mon père et à ma mère. Puisse ce faible témoignage de ma vive reconnaissance et de ma piété filiale compenser les nombreux sacrifices que vous n'avez cessé de faire pour moi" ;
la seconde à " Monsieur mon beau-père, E. OLIVIER, témoignage de respect, de reconnaissance et d'amour filial". Il n'y a pas de dédicace pour son épouse, ni pour son fils : Lucien-Charles, sans doute pour ne pas étaler en public, par une sorte de réserve charmante, sa tendresse à leur endroit.
Je n'ai pas pu préciser à quelle date Charles-Théophile s'est installé à MUTZIG, ni quelles raisons ont dicté son choix. A l'époque, MUTZlG avait 2000 habitants et plusieurs usines très actives (j'ajoute pour mémoire qu'Antoine CHASSEPOT, le futur inventeur du fusil qui aurait pu nous permettre de gagner la guerre de 1870, y est né, le 4.3.I833). Je ne sais s'il y avait déjà un médecin sur place. Ce qui est certain, c'est que Charles-Théophile y a été rapidement apprécié et qu'en raison de ses connaissances et de son altruisme, il a été nommé Médecin-Cantonal.
1I a eu d'autres enfants, tous nés à MUTZIG : Léon-Henri en 1852, Charles-Albert le 5.4.1857 et une fille, au sujet de laquelle je n'ai pas eu de précisions, si ce n'est qu'elie devait épouser un officier. 1I est mort à MUTZIG le 23.1.1886, à quelques jours de son 75ème anniversaire - la déclaration de son décès a été faite à la Mairie de MUTZlG par son fils Paul, accouru de TOUL, où il était contrôleur des Tabacs - et a été inhumé au cimetière protestant de la ville. Une émouvante notice nécrologique parue dans la Landeszeitung, le 29.1.1886, rappelle son souvenir en ces termes:" Notre petite ville a de nouveau éprouvé une grande perte et ceci en la personne de Monsieur le Médecin-Cantonal, le Dr. FISSINGER (sic), qui a été enterré au milieu d'une grande foule. M. FISSINGER s'est consacré de nombreuses années à sa belie profession, parmi nous et dans la région, avec beaucoup de zéle et de dévouement, qui méritaient la plus grande considération. Quoi que de situation trés aisée (sic), il était néanmoins infatigable dans son activité de bienfaisance. I1 était trés aimé de tous et très estimé, principalement par les pauvres et les ouvriers d'usine, à qui il a fait beaucoup de bien. Son souvenir restera iongtemps dans de nombreux cœurs (traduction personnelle de i'allemand).
A l'heure actuelle, on peut lire le nom de FIESSINGER, à MUTZIG, sur deux tombes : sur celle de Charles-Théophile, au cimetiére protestant, et sur celle d'un petit-fils (fils de Charles), prénommé comme son pére Charles-Albert FIESSINGER, mort le 2.9.1883, â l'âge de 3 ans et 4 mois, alors que, venant de THAON, du domicile de ses parents, il séjournait â MUTZIG, chez son grand-pére.
Je n'ai pas réussi â préciser ce qui s'est passé dans la famille de Charles-Théophile après la débâcle de 1870 ; ce qui est certain, c'esi que ses 4 fils étalent partis en FRANCE pour se fixer â TOUL ou â NANCY. Quant â son épouse, j'ignore si elle a accompagné ses enfants ou si elle est restée auprès de lui â MUTZIG. Il semble que Charles-Théophile soit resté seul sur place, peut-êre dans l'espoir d'un retour â la FRANCE, qui hélas ne s'est réalisé que 48 ans plus tard.


II - Charles FIESSINGER, le célébre praticien (1857-1942)
Docteur Pierre-Charles FIESSINGER : 1857-1942



Né le 5 avril 1857 à MUTZIG, quatrième fils de Charles-Théophile, Charles FIESSINGER a hérité les qualités de son père et s'est élevé grâce â son énergie, son dévouement et sa passion pour la science médicale, au premier rang des praticiens français.
Il a fait ses premières études au Lycée de STRASBOURG et semble avoir été hébergé alors par ses grands-parents OLIVIER, propriétaires de la pâtisserie bien connue des Strasbourgeois. Ses études, excellentes dès leur début, ont été malheureusement interrompues en juillet 1870, par le déclenchement de la guerre franco-allemande et nos premiers revers.
Il a aussitôt réintégré le domicile paternel â MUTZIG, non pour y rester, mais pour se cacher avec quelques camarades, dans une ferme isolée, â l'ouest de STILL, et ceci â cause d'une rumeur inquiétante, selon laquelle les Prussiens réquisitionnaient les garçons de son âge pour les obliger à marcher devant leurs troupes, afin de mettre celles-ci â l'abri de contre-attaques françaises. Ce bruit était faux. Quoi qu'il en soit, peu de temps après, Il devait quitter MUTZIG pour rejoindre ses frères et sa sœur à NANCY où il a poursuivi ses études au Lycée, puis â la Faculté de Médecine (où enseignaient du reste des professeurs repliés de STRASBOURG ) et où il a soutenu sa thèse sur " L'évacuation des éléments sulfurés par l'urine ".
Il a d'abord exercé â THAON-LES-VOSGES. De son mariage avec Marie-Joséphine JACQUES, en 1879-dont je ne sais si elle n'appartenait pas â la famille du célèbre miniaturiste de JARVILLE, Nicolas JACQUES (1780-1844) élève d'Isabey; ce point serait intéressant â élucider, en raison des habitudes de grande minutie des miniaturistes , sont nés trois enfants : Charles-Albert né en 1880 et mort, nous l'avons noté, en 1883 â MUTZIG, Noël né le 24 décembre 1881 et une fille, qui devait épouser le Docteur LAURENCE, dont le fils, Gabriel, a embrassé lui aussi la carrière médicale et a été nommé Professeur de Chirurgie orthopédique à PARIS. Il a bientôt quitté THAON pour s'installer d'abord à OYONNAX (Ain), puis â ST. CLAUDE (Jura) et pour gagner enfin, PARIS, en 1901.
Il a déployé partout une incroyable activité, aussi bien physlque qu'intellectuelle, suivant de nombreux malades et se levant tous les matins vers 4 h, pour s'instruire, rédigeant ses observations, des articles et des ouvrages, notamment des " Travaux d'épidémiologie " portant sur la grippe infectieuse, le mal de Bright et la scarlatine à Oyonnax et environs (1891). Ces travaux ont été récompensés par l'Académie de Médecine, qui l'a élu membre correspondant en 1896, alors qu'il n'avait pas 40 ans.
C'est à l'occasion d'une épidémie de fièvre typhoïde à l'origine de laquelle il incriminait, ce qui pour l'époque était assez nouveau, l'insaiubrité des eaux, qu'il est entré en conflit avec le maire et le conseil municipal, si bien qu'il a déménagé avec les siens à ST. CLAUDE, à 32 km de là, pour y demeurer jusqu'à la fin du siécle.
La 2' étape de sa laborieuse existence débute en 1901, où Il s'installe définitivement à PARIS, à l'appel de HUCHARD, comme rédacteur en chef du Journal des Praticiens, où il acquiert progressivement la renommée d'un médecin de premier ordre, principalement dans le domaine de la cardiologie.
Il se fait alors le propagandiste des acquisitions de la médecine scientifique et de leurs applications à la clinique, en une série d'articles et d'ouvrages dans lesquels il fait preuve d'une vaste érudition, d'un esprit critique judicieux et où l'on discerne la marque d'un clinicien hors ligne. Parmi ses ouvrages médicaux, dont certains ont connu plusieurs éditions et ont été traduits dans différentes langues, on peut citer: " La thérapeutique en 20 médicaments ", " Vingt régimes alimentaires ", " Le traitement des maladies du coeur de l'aorte ", " l'hygiène des gens pressés ", etc... Il a été avant la lettre, le créateur de ce qu'on appelle actuellement la formation médicale continue, ses ouvrages ayant en outre le grand Intérêt de donner un reflet précis de ce qu'était la médecine à l'époque.
Certes sur le plan purement scientifique ainsi qu'en thérapeutique, nos connaissances ont considérablement progressé depuis, mais ses observations cliniques conservent leur valeur et leur vérité. Il est intéressant d'autre part de noter que la diffusion des données médicales les plus récentes dont il a été le champion passionné, se poursuit à l'heure présennte en FRANCE, notamment gràce à la " Revue du Praticien" ; or celle-ci, fondée en 1957, à la suite de la fusion du Journal des Praticiens de Ch. FIESSINGER et du Paris médical, compte dans ses instances de direction, plusieurs membres de la famille FIESSINGER. d'une part M G. LAURENCE, petit-fils de Charles FIESSINGER, en tant qu'ancien directeur, et d'autre part, son autre petit-fils, Charles FIESSINGER, ainsi que le propre fils de ce dernier, le Professeur Agrégé Jean-Noël FIESSINGER, tous deux membres du Comité de rédaction de la revue. La flamme qui a animé Charles FIESINGER n'est donc pas éteinte et son œuvre persiste. Rien ne me paraît plus émouvant que cette poursuite dans une même famille, d'un effort qui a débuté à OYONNAX, dans un modeste cabinet d'un simple praticien.
Charles FIESSINGER a eu encore d'autres activités, tant son dynamisme était considérable. 1l a abordé en effet d'autres domaines et publié divers travaux de philosophie, imprégnés de son esprit nationaliste - il était le médecin et l'ami de Déroulède et de ses convictions religieuses - il avait opté pour la religion catholique -. Je citerai entre autres les ouvrages suivants: " Erreurs sociales et maladies morales ", " La formation des caractères" " Le déséquilibre contemporain " (couronné par l'Académie française), etc, etc..
Grâce à son labeur inlassable; Charles FIESSINGER mérite d'occuper une place de choix parmi les médecins français qui, non universitaires, ont acquis une renommée justifiée par leurs travaux médicaux ou ieurs réflexions philosophiques. Je citerai volontiers à côté de lui, BOUTEILLE de Manosque, qui à l'âge de 80 ans a publié le Traité de la chorée commune ou danse de ST. GUY (1810), DUCHENNE de Boulogne, qui, allant d'Hôpital en Hôpital, avec son appareillage électrique rudimentaire, a ouvert des voles nouvelles en neurologie en décrivant le tabès et diverses atteintes musculaires; CANTALOUBE, qui a décrit en 1909 la première épidémie de fièvre de Malte survenue en France, Gustave LEBON, célèbre par ses ouvrages de psychologie (psychologie des foules, des révolutions, du socialisme, etc,) ; mais à ma connaissance Charles FIESSINGER est le seul dont les habitudes de pensée ont survécu dans sa descendance.
Très patriote, il a été sans conteste le plus Mutzigois des FIESSINGER, Il est né à MUTZlG, son fils aîné y est enterré, et devenu veuf, il a tenu à y revenir en 1923, pour s'y remarier.
On imagine sans peine la douleur de cet homme, après les sinistres événements de 1940 et on ne peut que souhaiter que jusqu'à sa mort, en 1942, alors qu'il avait 85 ans, son goût de l'effort l'ait soutenu et l'ait aidé à conserver l'espoir en des temps meilleurs.


, III - Noël FIESSINGER, l'éminent professeur et le savant (1881-1946)
Le Professeur Noël FiESSINGER 1881-1946


Une activité sans relâche, une carrière hospitalo-universitaire éblouissante, des contributions importantes aux progrès de la Médecine, un enseignement de grande qualité, un courage à toute épreuve, un foyer familial très heureux, tels sont les termes qui pourraient résumer l'existence de Noël FIESSINGER.
Né le 24 décembre 1881 à THAON-LES-VOSGES, il fait ses études secondaires au Collège de St. Claude, puis au Lycée de Bourg, du fait des pérégrinations de sa famille dans l'Ain et le Jura. Pour cette même raison, il a acquis le début de sa formation médicale à LYON, oû il a été reçu premier à l'externat, puis nommé Interne suppléant, en 1901. M. Noël FIESSINGER n'a jamais habité MUTZIG, néanmoins quand il parlait de ses origines il s'affirmait Mutzigois ; par ailleurs il a toujours vu chez lui, avec une particuliére sympathie, les stagiaires alsaciens et personnellement je n'ai pas oublié la chaleur de son accueil en 1937 et en 1938. A partir de 1902, il a poursuivi ses études à PARIS oû les siens s'étaient fixés définitivement et a été reçu successivement, et chaque fois au premier concours, à l'externat puis à l'internat des Hôpitaux. Médaille d'Argent de l'Internat en 1908, il soutient la même année une thése retentissante sur :
"L'histogénèse des processus de cirrhose hépatique"
et devient aussitôt après, chef de clinique, puis chef de laboratoire, en raison de ses connaissances scientifiques et de son habileté technique.
Il a eu des maîtres éminents tels HUCHARD, ROBIN et CHAUFFARD en clinique, et REGAUD au laboratoire, et a effectué avec certains d'entre eux, notamment CHAUFFARD, d'importants travaux.
La guerre de 1914-1918 devait interrompre quelque temps ie déroulement de sa carrière dont les débuts avaient été si prometteurs ; elle n'a pas diminué son enthousiasme ni réduit snn ardeur au travail. Il a réussi en effet à créer un laboratoire non loin du front, à effectuer d'importantes recherches sur la plaie de guerre et à décrire en 1916 avec E. LEROY, une nouvelle entité clinique, le syndrome oculo-urétro-synovial que H. REITER dcvait retrouver la même année. Il s'est signalé en même temps, principalement à l'occasion du bombardement de Mondidier où il travaillait avec Pierre DELBET, par une fermeté de caractère et un courage exemplaire qui lui ont valu la Légion d'Honneur à titre militaire. Cet homme d'assez petite taille, trapu et vif était décidément en tête dans tous les domaines.
De retour à PARIS, il s'est remis à la tâche avec une ardeur accrue et une absolue confiance en ses possibilités. Aussi le voyons-nous devenir, en 1920, Médecin des Hôpitaux de PARIS et Agrégé à la Faculté de Médecine. A partir de là, il s'impose de plus en plus dans les milieux médicaux de la capitale par son dynamisme, la qualité de ses recherches et de son enseignement et la tenue exemplaire de ses services hospitaliers. Aussi est-il nommé en 1925 Médecin des Hôpitaux, Chef de Service, et en 1931 Professeur de Médecine Expérimentale, tandis que presque simultanément, il devient lauréat des Académies de Médecine et des Sciences. De nombreuses Sociétés Savantes font alors appel à lui et c'est ainsi qu'il est porté à la Présidence de la Société de Pathologie comparée et à celle de la Société Anatomique, ainsi qu'à la vice-présidence de la Société de Biologie.
En 1939, il est muté de son service de l'Hôpital NECKER à l'Hôtel-Dieu, après un vote unanime du Conseil de la Faculté de Médecine de Paris. C'était là le couronnement de son ascension hospitalo-universitaire. Ainsi, en moins de quarante ans d'efforts, il a connu tous les honneurs médicaux possibles, installé qu'il était maintenant dans la chaire de médecine la plus prestigieuse de la capitale, chaire illustrée par de très grands noms dela Médecine française, en particulier TROUSSEAU, GILBERT, DIEULAFOY et CARNOT, à qui il succédait. En automne 1940, il est nommé, en outre, Membre titulaire de l'Académie de Médecine, dans le fauteuil de l'illustre neurologue, Pierre MARIE et où il siégeait désormais en même temps que son père. Il a traversé les années douloureuses de 1940 à 1944 en se consacrant entièrement à sa famille et à sa profession.
Sa vie privée a été très heureuse, il avait épousé une jeune alsacienne, Mathilde-Frédérique FINCK, qui lui a donné 3 enfants, dont un fils, Charles FIESSINGER, qui s'est destiné à la Médecine lui-aussi. Le Docteur Charles FIESSINGER qui exerce à PARIS a épousé comme son père une jeune fille d'Alsace, elle-même également docteur en Médecine. Deux de leurs enfants, un fils et une fille, ont embrassé la profession de leurs parents; le fils, Jean-Noël, est à l'heure présente professeur agrégé à PARIS.
Mobilisé pendant la 2ème Guerre Mondiale comme Médecin-Consultant de la 1ère Armée, Noël FIESSINGER n'a pu prononcer sa leçon inaugurale, à l'Hôtel-Dieu, que le 13 octobre 1940 ; à cette occasion, ia Croix de Guerre de 1940 lui a été remise. Pendant les pénibles années qui ont suivi la défaite, il a redoublé d'activité, estimant que c'était là la seule manière de réagir dignement devant les malheurs de la patrie. Son tempérament d'une vigueur exceptionnelle lui a permis de réaliser ce programme, de supporter une douloureuse intervention chirurgicale et d'accepter avec un stoïcisme admirable, la mort subite de son épouse, en 1944, événement trés cruel qui l'a vivement touché, sans l'anéantir.
Il a poursuivi ainsi sa route, fidéle à ses principes et à son idéal jusqu'au 15 janvier 1946. Ce jour-là, aprés avoir prononcé à l'Académie de Médecine l'éloge de PAVIOT, son ancien Maître de Lyon, il est mort subitement à son domicile, aprés avoir rédigé quelques notes pour le Journal des Praticiens, emportant avec lui ses vertus, sa grande intelligence et son vaste savoir. Il est véritablement mort à la tâche.
L'œuvre médicale, didactique et scientifique de M. Noël FIESSINGER est considérable et nul n'a rempli mieux que lui la triple mission d'un professeur de clinique, qui se doit d'être un praticien hors ligne, un enseignant disert et érudit, et enfin un authentique chercheur.

1) Il a été en effet un clinicien de premier plan, tant à l'Hôpital qu'en ville. Ceux qui ont suivi sa visite auprès des maiades, se souviennent de son regard clair et pénétrant, et se rappellent l'attention extrême qu'il accordait à chaque malade. De ce fait, il est devenu trés tôt un consultant éminent, très recherché, tant en France qu'à l'étranger, et un véritable ambassadeur de la science médicale française. Aussi a-t-il été consulté par les grands de ce monde ou appelé auprès de personnalités éminentes, telles que Kemal Ataturk.
2) Son enseignement était très apprécié par les étudiants et les médecins, tant ses développements cliniques au lit des malades que ses cours et ses démonstrations à l'Amphithéâtre. La clarté du discours, sa sobriété et sa précision en faisaient chaque fois un authentique chef-d'œuvre.
Il a publié en outre, seul ou avec des collaborateurs choisis, de nombreux ouvrages didactiques, mises au point de problèmes cliniques et biologiques, présentés d'une manière parfaite et dont la partie clinique et les discussions sur les relations entre la clinique et le laboratoire restent d'actualité. J'en citerai quelques-uns: " Syndromes et maladies " (I942), " Les déficiences vitaminiques et hormonales" (1942), " Les maladies actuelles "(1942), " Diagnostics difficiles " (1943), " Pathologie des confins médicochirurgicaux "(1943), " Clinique et Investigations " (1946), etc... De tous ces ouvrages, c'est sans doute " Syndromes et Maladies" qui est le plus impressionnant, car sa préface est dans son début directement inspirée par les événements de l'époque et qu'on y trouve d'autre part la leçon d'ouverture de son enseignement à l'Hôtel-Dieu, avec des considérations très précises sur l'histoire de sa chaire, sur ses projets, ses conceptions touchant la Médecine, les recherches de laboratoire et la conduite de la vie, et enfin ses conseils aux étudiants. Certains paragraphes de cette préface et de cette magnifique leçon pourraient figurer par leur style et leurs idées dans une anthologie de la littérature française, comme ies citations suivantes le montrent d'une manière émouvante : " Durant les épreuves douloureuses de la vie, il n'est d'autre façon d'épancher sa tristesse que de se réchauffer aux cendres du passé et de s'absorber dans la fiévre du travail ". (Cette phrase rappelle ce qu'écrivait Claude BERNARD, après la défaite de 1870. " Le travail est pour moi un refuge, une sorte d'oasis au milieu du désert de la vie (ln. Lettres Parisiennes, 1878, Industries Graphiques de Paris). Elle rejoint aussi ce qu'avait dit Louis Pasteur dans son célébre discours d'Arbois: " Aimez donc le travail, jeunes élèves ; hors du travall vous ne trouveriez qu'amère déception et suprême ennui" (H. Mondor, Grands Médecins presque tous, p. 401, 1943, Corréa, Paris)). Et plus loin. " Cette année fut lourde d'épreuves et douloureuse d'angoisse. Nous devons en tirer un enseignement pour l'avenir. Travailler, travailler sans relâche... La défaite ne touche pas aux choses de l'esprit. Rien ne prévaut contre elles, ni les troubles sociaux, ni les guerres, ni les ruines... ".
Enfin, s'adressant spécialement aux étudiants. " Il vous faudra de la patience, de la méthode, du courage, mais n'oubliez pas qu'il faudra avec vos malades surtout, et avant tout, de la bonté".
3) Son œuvre scientifique a été considérable. A cet égard, il convient de mettre l'accent sur le fait que Noël FIESSINGER appartient au groupe des cliniciens, qui à partir du début de ce siécle, ont préparé l'avenir, en alliant la clinique et la recherche scientifique et on su imposer la nécessité de cette synthèse à la Médecine française, à qui ils ont ainsi imprimé un cours nouveau. A la tête de ce mouvement de rénovation, figurent les noms de WIDAL et de CHAUFFARD ,d'autres ont continué leurs efforts: Noël FIESSINGER occupe parmi ces derniers une place de choix.
Il m'est impossible d'analyser ici toutes ses réalisations, qu'il a rapportées dans de nombreux ouvrages et dans environ 700 articles. Je me bornerai à l'essentiel et insisterai tout d'abord sur le fait que le mouvement nouveau qui devait transformer la Médecine sous son impulsion, apparaît déjà dans sa thèse. Il avait alors 27 ans. Abordant dans ce travail fondamental l'étude du mécanisme de la sclérose hépatique au cours des cirrhoses, il a établi que cette sclérose n'est pas d'origine périveineuse comme on le croyait jusque-là, mais qu'elle provient de la destruction des cellules du foie, dont il a montré l'extrème sensibilité.
Avec son maître CHAUFFARD, il a fait une découverte retentissante, celle des hématies granulo-filamenteuses, dénommées depuis réticulocytes, et ceci en examinant le sang des malades atteints d'ictère hémolytique. A l'aide d'une série d'expériences ingénieuses, il a pu prouver, ce qui était également nouveau, que ce type particulier de globules rouges résulte d'une activité hâtive de la mœlle osseuse et, de ce fait même, incomplète. La recherche des réticulocytes fait partie à l'heure actuelle des techniques de routine, en hématologie.
J'ai déjà cité plus haut ses importantes investigations sur la biologie de la plaie de guerre, qui lui ont permis d'assigner à l'attrition musculaire un rôle fondamental à côté de celui de l'infection microbienne, et qui ont eu l'influence la plus heureuse sur le traitement chirurgical des blessés, et rappelé son travail princeps sur le syndrome aculo-urétra-synovial.
Après la grande guerre, il s'est consacré tout d'abord aux ferments des leucocytes, travaux qui figurent dans un ouvrage paru en 1923, et qui comprennent notamment la découverte des peroxydases, la démonstration de la richesse des granulocytes en protéases et leur rôle dans la redissolution des caillots, ia fluidification du pus, la guérison des lésions pneumoniques, et enfin, la teneur des lymphocytes en lipases. Ultérieurement, l'essentiel de ses préoccupations concernait le fonctionnement du foie et principalement l'ensemble des tests permettant de le caractériser.
On reste pantois devant l'ampleur et l'originalité de l'œuvre de Noél FIESSINGER mais chose curieuse, il lui fallait en outre, comme pour apaiser son besoin de servir diverses activités que je qualifierai de sociales.
C'est ainsi qu'il a été co-directeur du Journal des Praticiens, fondateur de la Revue du foie, Président du Bureau de l'Union de la Presse Médicale Française, Président de la Confédération des Syndicats Médicaux français, membre du Conseil de l'Ordre, etc... Certaines de ses tâches étaient véritablement ingrates, mais il n'en avait cure. Selon lui, chacun a le devoir de s'engager, selon ses moyens, et de lutter pour le bien général.
L'analyse, certainement trop succincte, de la vie de ces trois personnalités médicales fait apparaître nombre de qualités qui leur étaient communes, et que l'on retrouve déja chez Jacques Samuel, l'infirmier-major de l'Hôpital Civil de Strasbourg, de qui elles émanent : la vitalité, l'énergie, le goût de l'effort. la religion du travail et la probité. Tous ont connu certaines épreuves personnelles et aucun n'a été épargné par les catastrophes nationales, N'oublions pas que la France a été envahie à quatre reprises pendant ces quatre générations, mais qu'aucun des FIESSINGER ne s'est laissé abattre par l'adversité, chacun réagissant par un surcroît d'activité personnelle. On est frappé d'autre part quand on les compare entre eux qu'aux caractéristiques psychologiques fondamentales que je viens de citer, se sont surajoutés d'intéressants éléments nouveaux que chacun semble avoir transmis à son successeur, lui fournissant ainsi, dès son origine, une base de départ nouvelle, Charles-Théophile a hérité de son père les traits fondamentaux que j'ai rappelés ; il les a majorés par son dévouement et sa bonté pour les malades. Chez Charles, on trouve en outre le goût de l'érudition et de sa diffusion. Noël FIESSINGER enfin résume à lui seul les caractéristiques précédentes, avec en plus le talent de la parole, de la recherche et de la découverte.


PS : Les FIESSINGER dont je viens de résumer 1a vie ont des descendants dont certains, nous l'avons vu, exerçent également la Médecine. Je me suis borné dans mon étude, à citer leurs noms, sans fournir de détails à leur sujet, ce qui n'aurait pas été cnnvenahle.
Je tiens à remercier ehaleureusent ceux dont je tiens certains des renseignements qui m'ont permis de rédiger ce texte : M.P BERCHER,Président de la Société d'Histoire et d'Archéologie de Molsheim et environs, le Docteur Charles FIESSINGER et Madame le Docteur H FIESSINGER. son épouse, mes amis, le Professeur M ALHEAUX-FERNET, ancien assistant de Noël FIESSINGER, les Docteurs H. BURCKLE et A. HANUS de Mutzig, le Docteur VETTER, historien de la Médecine, M B. BOUR, Président de la Société d'Histoire de MUTZIG, les emplovés de la Mairie de MUTZIG, les fonctionnaires des Archives Municipales de STRASBOURG et le personnel de la Bihliothèque de la Faculté de Médecine de STRASBOURG.